HEGEL
(1770-1831)
Hegel est né en 1770, en Allemagne, dans une famille de moyenne bourgeoisie.Entré à dix huit ans comme boursier dans le séminaire de théologie protestante de Tübingen (Würtemberg), Hegel renonce cependant, à sa sortie du "Stift " en 1793, à la carrière de pasteur pour devenir précepteur à Berne, puis à Francfort. Il médite alors sur le christianisme et rédige une Vie de Jésus (1795-1796), ainsi qu'un ouvrage sur L'Esprit du christianisme et son destin (1798-1799); En 1801 , il devient " privat-dozent " (enseignant libre) à l'université d'Iéna. Hegel, qui compose les Cours d'Iéna (1803-1806), s'enthousiasme alors pour Napoléon, l'" âme du monde " (Weltgeist).
La Phénoménologie de l'Esprit (1807), qui exprime cette passion pour l' histoire et l'actualité, deviendra le véritable évangile des temps modernes. En 1808, il est nommé professeur, puis directeur du Gymnase (lycée) de Nuremberg . Il clarifie sa pensée pour l'enseignement secondaire : ses notes de cours de ce temps constituent la Propédeutique philosophique (1809-1816). C'est également durant cette époque que Hegel rédige la Science de la logique (1812-1816). En 1816, enfin nommé professeur titulaire à la chaire de philosophie de l'Université de Heidelberg, il écrit le Précis de l'Encyclopédie des sciences philosophiques (1817), exposé systématique de sa doctrine.
Appelé, en 1818, à la chaire de Berlin, Hegel va apparaître désormais comme un philosophe au prestige immense, entouré d'auditeurs et de disciples. Véritable philosophe d' Etat, il incarne pouvoir et puissance, mais ne tarde pas à devenir suspect. Il voyage beaucoup, en France, par exemple, où il rencontre le philosophe Victor Cousin.
C'est durant l'époque de Berlin qu'il rédige ses cours sur le Droit (Principes de la philosophie du Droit, 1821) et professe un enseignement qui, publié par des disciples, touchera à des sujets très variés : les Leçons sur l'histoire de la philosophie, l'Esthétique, les Leçons sur la philosophie de la religion et les Leçons sur la philosophie de l' histoire sont des uvres posthumes.
Hegel est mort, en 1831, du choléra.
1 - Les racines
Hegel, imprégné de culture gréco-latine, va introduire dans son uvre l'Idée platonicienne, prise en un sens nouveau, comme dynamisme de l'Esprit se réalisant dans le monde et dans l' histoire des hommes. Mais il est également marqué par la philosophie moderne, celle de Kant tout particulièrement, dont il veut dépasser le formalisme , et celle de Schelling, à qui il reprochera dès 1807 (dans La Phénoménologie de l'Esprit) d'avoir trop accordé à l'intuition et au sentiment, aux lieu et place du concept rigoureux.
Hegel ne se borne pas à compléter et à métamorphoser le legs métaphysique et philosophique. C'est tout le fond historique de son époque, la Révolution française, Napoléon, les guerres napoléoniennes, le monde industriel, qui fournit la matière de sa réflexion. Au début du XIXe siècle, tout change sur la scène européenne et mondiale. Hegel entend être la conscience et la pensée de son temps, le théoricien de la rupture historique qui s'accomplit. Comprendre ce qui est, telle est la tâche de la philosophie.
2 - Les apports conceptuels
Hegel s'efforce de dégager, dans l' histoire et la culture humaines, une genèse progressive de l'Esprit absolu, genèse s'effectuant dialectiquement, par contradictions surmontées.Il développe, pour cela, les notions fondamentales suivantes:
la Raison, conçue non point comme ensemble de règles humaines, mais comme principe divin immanent aux choses, usant de la passion des hommes pour parvenir à ses fins.
la dialectique, marche de la pensée procédant par contradictions surmontées, de la thèse à l'antithèse et à la synthèse ; la dialectique représente le mouvement même de l'Esprit ou de l'Idée ;
le concept, compris non point comme une simple forme de pensée, comme un produit abstrait de l'entendement, mais comme l'esprit vivant de la réalité. Le concept désigne la notion dynamique se développant dans le réel . Il représente l'élément de rigueur qui permet de construire un savoir universel ;
l' Idée, comprise non point comme "état de conscience" ou représentation subjective, mais comme forme supérieure de l'Esprit, s'extériorisant dans la nature et dans le monde ;
l' histoire, mouvement spirituel total par lequel se réalise l'Idée, mouvement pleinement rationnel puisque la Raison gouverne le monde. L' Histoire, englobant les diverses formations historiques, se confond avec le devenir du principe spirituel supérieur, l'Idée ;
l'Esprit, conçu comme pensée se clarifiant progressivement et parvenant finalement à l'Absolu ;
l'Absolu, ce qui possède, en soi-même, sa raison d'être. L'Idée universelle, s'incarnant dans les différentes réalités, représente à la fin du processus, le terme absolu, ce qui est en soi et par soi.
L' Art, conçu comme étant la rencontre de l'Esprit et de la matière.
Selon Hegel, l'art a pour objet la présentation sensible de la vérité définie comme identité du fini et de l'infini. On peut donc distinguer dans toute uvre d'art un élément sensible (sa forme) et un élément intelligible (l'idée). L'art doit médiatiser ces deux aspects de telle sorte qu'ils constituent une libre totalité réconciliée. C'est dans la différence entre les modes de médiatisation que Hegel situera d'ailleurs le critère d'une hiérarchisation des grandes formes d'art (symbolisme, classicisme, romantisme) comme des arts particuliers (architecture, sculpture, peinture, musique, poésie).
Cf. Jacqueline Russ, Les chemins de la pensée, Bordas pp. 276-277