(1889-1976)
Né en 1889 dans le Grand Duché de Bade, Martin Heidegger est professeur titulaire à l'université de Fribourg à partir de 1928 . En 1933, il il est élu recteur de cette université. Hitler est alors chancelier de l'Allemagne. Après quelques mois de coopération sur le plan administratif, il donne sa démission, en 1934 (cet épisode administratif et politique lui sera très souvent reproché - Heidegger a appartenu au parti nazi jusqu'en 1945).Interdit d'enseignement en 1946, Heidegger reprend, en 1951, son enseignement à Fribourg.
Heidegger est mort en mai 1976.
Oeuvres
Citons essentiellement :
L 'Etre et le Temps (1927),Qu'est-ce que la métaphysique? (1929),
Kant et le problème de la métaphysique (1929),
Chemins qui ne mènent nulle part (1950),
Qu'appelle-t-on penser ? (1951),
Essais et conférences: La question de la technique (1954).
1 - Les racines
Heidegger, d'abord assistant et disciple de Husserl, a été profondément influencé par les concepts fondamentaux du fondateur de la phénoménologie. Mais il est avant tout, et de manière essentielle, le lecteur attentif des penseurs grecs, Platon et Aristote, certes, mais surtout les Présocratiques (Parménide et Héraclite, tout particulièrement).
En 1862 Franz Brentano avait consacré un important ouvrage à la question de la plurivocité de l'être dont parle Aristote lorsqu'il dit que "l'être se manifeste de multiples manières" (einai pollachôs legetai). Cet ouvrage a joué un rôle absolument décisif sur l'itinéraire philosophique de Martin Heidegger, en attirant son attention sur ce qui allait philosophiquement le préoccuper. Cf Confidence faite par Heidegger lors d'un séminaire de Zollikon: "L'impulsion de ma pensée entière remonte à une proposition d'Aristote qui dit que l'étant est énoncé de multiples manières. Cette proposition fut à vrai dire l'éclair qui déclenchait la question: quelle est alors l'unité de ces multiples significations de l'être, que veut dire "être" comme tel?" ( M. Heidegger, Zollikoner Seminare, Frankfurt, Klostremann, 1987, p. 155)
2 - Les apports conceptuels
Seul, l'homme est capable, montre Heidegger, de poser le problème de l'être, source fondamentale de toute existence. Si la réalité humaine se perd souvent dans la vie inauthentique, elle peut se retrouver dans son authenticité, en particulier par l'expérience privilégiée de l'angoisse, où disparaît alors le paysage rassurant de notre agir quotidien, lequel cède ainsi la place au néant, mais aussi à la vérité de l'être.
Les concepts fondamentaux de la philosophie de Heidegger sont les suivants :
celui d'étant, défini comme être concret, particulier, existant dans sa réalité empirique ;
celui d'Etre, racine fondamentale et source de toutes choses; l'homme est le seul étant pouvant s'interroger sur l'être; une telle interrogation relève d'une expérience de type spirituel, sotériologique, celle d'une salut de l'esprit. Aux yeux d'Heidegger l'antique maxime sôzein ta phainomena ne signifie pas respecter les phénomènes, mais "sauvegarder le paraître" (Cf Parmenides, GA 54 pp. 186-188) Cf J. Greisch, Etre et Langage I, p. 216
celui de Dasein, être-là, existant (humain), se projetant hors de soi-même et au-devant de soi-même;
celui de déréliction, comme caractère du Dasein jeté dans le monde et abandonné à lui-même.
l'essence de la technique. La technique occupe une place importante chez le penseur de l'Être: elle est, dit-il, le dernier visage de la métaphysique de la subjectivité. Autrement dit, elle hérite selon lui de ce mouvement ayant pris son essor avec le cartésianisme et qui vise à rendre les hommes " comme maîtres et possesseurs de la nature "; elle signale le triomphe du sujet qui se proclame auto-suffisant et dont la volonté de puissance finit par culminer en une " volonté de volonté " ainsi que le suggérait Nietzsche. La technique est donc le dernier avatar de l'humanisme prométhéen qui tend à "arraisonner" le monde ce qui qualifie aussi les " temps modernes ". Quand Heidegger dit qu'il n'est rien de plus important aujourd'hui que de " penser la technique", que prétend-il au juste ? Que c'est avec elle qu'on saisira le mieux l'oubli de l'Être qu'endosse la métaphysique depuis ses origines grecques qu'en affrontant la question de la technique, on se met précisément dans la position de réveiller la question de l'Être. On voit qu'il ne s'agit pas du tout, chez le penseur de l'Être, de refuser la technique ou bien de la diaboliser. Heidegger va finalement jusqu'à dire que l'essence de la technique se confond avec l'Être lui même et qu'il faut par conséquent la laisser se déployer.
Cf. J. Russ, les chemins de la pensée, Bordas pp. 454ss