John LOCKE

(1632-1704)

 

 

 

REPÈRES BIOGRAPHIQUES

 

Issu d'une famille de tradition puritaine, Locke hésite longtemps entre une carrière cléricale et une carrière médicale. Il devient finalement, en 1667, le conseiller privé du comte de Shaftesbury, personnage influent à la cour de Charles II d'Angleterre. Mais l'absolutisme de celui-ci engage Shaftesbury dans la voie de l'opposition. Locke séjourne alors en France, à Montpellier, puis, après un retour à Londres, à Rotterdam. Il rentre définitivement en Angleterre en 1688, quand, après la « glorieuse révolution », le protestant Guillaume d'Orange monte sur le trône. C'est seulement alors que Locke accepte de publier ses principaux écrits. L'œuvre de John Locke se partage pour l'essentiel en une philosophie de la connaissance et une philosophie politique.

 

APPORTS CONCEPTUELS

Une philosophie de la connaissance

« Que pouvons-nous savoir, et comment ? » : telle est la question à laquelle tente de répondre l'Essai sur l'entendement humain. La réponse de Locke est célèbre et en fait le premier grand représentant de l'empirisme anglo-saxon qui s'est développé au XVIIIe siècle ( Berkeley, Hume ... ) : nous ne pouvons pas connaître les qualités secrètes des choses ; toutes les idées que l'imagination peut combiner à profusion viennent de l'expérience, c'est-à-dire de la sensation et de la réflexion sur les opérations de notre âme à partir de nos sensations.

L'esprit est donc, à l'origine, une « table rase ». Locke refuse la théorie cartésienne des idées innées ( cf. Innéisme ), même si, de son propre aveu, il a été conduit par Descartes à s'intéresser à la philosophie. Bien qu'il critique la notion de substance, il emprunte cependant à celui-ci la distinction opérée entre les « qualités premières » et les « qualités secondes » du réel perçu. Les sensations sont causées par les objets matériels extérieurs, mais ne leur ressemblent pas ; sons, couleurs, etc., sont dans notre âme, non dans les choses : ce sont des « qualités secondes ». Les qualités premières » sont au contraire des propriétés constitutives de la matière : tels sont l'étendue et le mouvement.

Cette distinction suppose l'existence d'un monde extérieur. En cela, l'empirisme de Locke n'est pas, contrairement à celui de Berkeley ou de Hume, un phénoménisme. La théorie lockienne de la connaissance, que Leibniz a essayé de réfuter dans les Nouveaux Essais sur l'entendement bumain, eut une influence considérable au XVIIIe siècle, notamment en France avec Condillac.

 

Une philosophie politique

 

« Comment les hommes peuvent-ils vivre ensemble en paix ? » : telle est la grande question qui anime les écrits politiques de Locke qui, rappelons-le, eut à subir les méfaits de la guerre civile en Angleterre.

Premièrement, répond Locke, les hommes possèdent, en tant qu'êtres raisonnables, une conscience morale fondée en Dieu et qui leur dicte leurs obligations. Chacun est donc directement et individuellement responsable devant Dieu de ce qu'il fait et de ce qu'il croit ; le pouvoir politique ne peut en aucune façon imposer un culte déterminé. Locke prône la tolérance des différentes croyances religieuses ; mais il n'y a pas de tolérance qui vaille pour l'athéisme, car celui-ci, en dispensant de tout engagement et de toute obligation, romprait le lien social.

Deuxièmement, il s'agit de construire une théorie de la légitimité de l'autorité politique, des fondements et des limites de l'obéissance que nous lui devons. Après avoir attaqué, dans son premier Traité du gouvernement civil, la position de Robert Filmer défendant la monarchie absolue par la théorie du droit divin des rois, Locke développe, dans le second Traité, sa propre conception politique.

Les hommes vivent originellement dans un état de nature, dans lequel la liberté individuelle ( être maître absolu de soi, n'être sujet de personne ) et la propriété privée ( fondée sur le travail et le droit de jouir de ses fruits ) sont des droits naturels inaliénables. La société civile résulte d'un contrat social qui établit une loi commune, manquante à l'état de nature, mais qui n'a pas d'autre fin que d'assurer la sauvegarde des droits naturels. L'État procède donc d'une convention ( un consentement mutuel entre les hommes ), mais n'est pas un artifice puisqu'il a pour fonction, non pas, comme chez Hobbes, de rompre avec l'état de nature, mais de le garantir en lui donnant une sanction légale.

Cela suppose un droit de résistance aux abus de l'autorité, lorsque celle-ci met en péril la liberté et la propriété qu'elle a normalement à charge de sauvegarder. Ce libéralisme politique ( qui s'accompagne d'un libéralisme économique, c'est-à-dire de l'idée de la liberté du marché ) a fortement influencé la Constitution américaine ( 1776 ) et, en partie, l'œuvre des membres de l'Assemblée constituante, en 1789.

 

Bibliographie

- Lettre sur la tolérance ( 1689 )
- Essai sur l'entendement humain ( 1690 ) ;
- Deux Traités du gouvernement civil ( 1690 ).

 

© Hachette, la philosophie de A à Z