Bertrand RUSSELL

(1872-1970)

 

 

 

 

Repères biographiques

Né dans une famille aristocratique et élevé dans un milieu politiquement libéral, Bertrand Russell consacre sa longue vie d'une part à la réflexion théorique sur la logique, les mathématiques et la philosophie de la connaissance (il est professeur à Cambridge, où il a pour élève Ludwig Wittgenstein), d'autre part à l'action politique qu'il pratique en moraliste : il est pacifiste en 1914 et s'oriente vers un socialisme humaniste, libéral et résolument laïque. il reçoit le prix Nobel de littérature en 1950.

Logique et mathématiques Russell avait initialement pensé, selon une inspiration « platonicienne », que les mathématiques portaient sur des entités indépendantes de la réalité empirique comme de l'esprit humain. Mais, dès 1900, en écrivant, avec A.N. Whitehead, les Principia mathermatica, il s'engage dans une voie résolument opposée : une « logicisation » complète des mathématiques, et principalement de l'arithmétique. Il s'agit de montrer qu'on peut réduire les opérations mathématiques à des principes logiques fondamentaux et les énoncés mathématiques à de pures tautologies.

 

 

Apports conceptuels

 

L'atomisme logique

Russell conçoit le monde comme un complexe logique : il affirme, contre la conception « totalisante » du monde de l'idéalisme - alors dominant à Cambridge - que les faits sont indépendants les uns des autres, et que les relations qui les unissent leur sont extérieures. Tout ce qui est complexe est composé de choses simples. Chaque fait peut ainsi être représenté par une proposition simple ou « atomique », les propositions complexes n'étant que des combinaisons logiques de propositions simples.

Définition de la vérité il résulte de l'atomisme logique que la vérité est conçue comme correspondance entre une croyance et un fait qui est son « vérificateur ». Cette conception s'oppose à celle qui, à la manière de l'idéalisme, définit la vérité comme la cohérence existant entre les diverses croyances ou propositions, et évacue ainsi le rapport au réel.

Cette définition de la vérité rencontre toutefois le difficile problème, déjà soulevé par Hume, de l'inférence non déductive : c'est-à-dire lorsque nous concluons, à partir de données, à des faits non présents, sans que la conclusion soit logiquement nécessaire (cas exemplaire de l'induction), je peux être certain d'un fait dont j'ai l'expérience directe (« J'ai chaud ») ; mais comment l'être de la même façon d'un fait que je n'ai pas directement expérimenté (« Vous avez chaud »)? La réponse de Russell se situe dans la lignée du scepticisme de Hume : il convient de hiérarchiser les croyances vraies et d'admettre que certaines d'entre elles, bien qu'il ne soit pas raisonnable d'en douter, n'ont pas le même degré de certitude que celles qui font l'objet d'une connaissance directe et personnelle.

 

La construction du monde extérieur

Nous croyons d'ordinaire qu'il existe des objets dans un espace objectif commun. Mais notre connaissance directe porte sur des données sensibles qui constituent notre expérience personnelle. Comment passer des données sensibles au monde objectif dont parle la science - par exemple de la brûlure du soleil au soleil de la physique ? Pour résoudre ce problème, Russell recourt à une pure construction logique : les apparences sensibles d'un objet constituent mon monde privé, dans mon espace privé ; le monde est le système complet de toutes les apparences ou « perspectives ». Il est ainsi possible de penser qu'il existe des objets physiques permanents dans un espace commun, bien que cela ne soit jamais une donnée de la perception.

 

De l'épistémologie à l'ontologie

L'analyse logique et la théorie de la connaissance débouchent sur des questions métaphysiques générales. La première question, qui est pour Russell la question proprement ontologique, porte sur le statut des entités à l'œuvre dans le discours. L'analyse de Russell recourt ici à l'une des maximes majeures de sa philosophie - le rasoir d'Occam -, selon laquelle il ne faut pas multiplier les entités non nécessaires. Cela conduit Russell au nominalisme : seuls existent dans l'expérience les êtres singuliers ; les « universaux » ont un statut purement logique et linguistique.

La seconde question porte sur la nature de la matière et de l'esprit. À la suite de William James et de J'école américaine (Perry, Holt), Russell refuse de faire de l'esprit et de la matière deux substances indépendantes. Récusant la notion de « sujet », il en vient à considérer le monde mental et le monde physique comme deux expressions différentes d'une même substance neutre.

 

PRINCIPAUX ÉCRITS

- Principia marthematica (avec Whitehead, 1910-1913)
- Problèmes de philosophie (1912)
- Notre connaissance du monde extérieur (1914) ;
- L'Analyse de l'esprit (1921)
- L' Analyse de la matière (1927)
- Signification et Vérité (1940).
© Hachette, La philosophie de A à Z