L'illusion
 
Introduction

L'illusion et la philosophie

Problématique

 

I. Nature de l'illusion

1. L'erreur et l'illusion, différence

2. Conséquence pratique

II. Origines de l'illusion

1. Illusions qui s'originent dans la sensibilité

2. Illusions qui s'originent dans l'affectivité

III. Problème posé à la connaissance

1. Prb: l'illusion compromet l'accès à la vérité

2. Solution en trois étapes

IV. Problème posé à l'action

1. Mécanisme de l'illusion

2. Valeur négative de l'illusion

3. Effets positifs de l'illusion

 

Conclusion

Pourquoi l'homme est sujet à l'illusion

Introduction

 

L'illusion et la philosophie

 

L'allégorie de la caverne, au Livre VII de la République de Platon, est emblématique du rapport de la philosophie à l'illusion.

Les prisonniers croient voir le monde réel, alors qu'ils n'en voient qu'une image. Ils sont à la fois victime (ne voyant pas le monde réel) et complices (refusant d'être détrompés) de leur illusion.

L'expérience du prisonnier libéré - symbole du philosophe - montre la difficulté qu'il y a à perdre, seul, ses illusions, en raison de l'attachement qui nous lie à elles.

Tout le scénario imaginé par Platon montre que l'illusion a pour effet de fausser notre rapport au réel. Loin d'être une illusion parmi d'autres, l'illusion des prisonniers est le paradigme de toute illusion, l'illusion ayant pour effet de nous tromper sur la réalité des choses.

La situation imaginée par Platon repose sur une distinction, qui est au coeur de son ontologie, entre le monde (trompeur) des apparences, le monde sensible, et le vrai monde, le monde intelligible. Platon nous donne à comprendre que l'illusion nous retient prisonniers des apparences, dont seule la liberté de l'esprit, peut nous délivrer, grâce à la philosophie !

 

Problématique

- Qu'est-ce que l'illusion ?

- D'où vient l'illusion ?

- Comment se comporter à l'égard de l'illusion ?

 

 

Première partie: nature de l'illusion

 

1) L'erreur et l'illusion
Qu'elle soit illusion des sens, abusés par les apparences, ou illusion de la conscience, abusée par le désir, l'illusion se distingue de l'erreur.

L'erreur, qui consiste à se tromper, est seconde. Elle procède d'un jugement, inconsidéré, alors que l'illusion est immédiate. L'illusion elle est affaire de perception ou de sentiment. Elle est le fait d'être trompé.

 

2) Conséquence pratique :

 

Si l'on peut corriger une erreur, il n'est pas toujours possible de "dissiper" une illusion : elle apparaît comme naturelle et inévitable. Comme l'indique le verbe "dissiper", l'illusion est en effet une sorte d'écran qui dissimule, en la déformant, la réalité.

 

 

Deuxième partie : origines de l'illusion

 

1) L'illusion perceptive

 

L'illusion perceptive et l'illusion affective ont en commun d'être, en nous, l'oeuvre de la sensibilité. Mais elles ont chacune une origine différente. L'illusion perceptive tient à ce que nos sens nous font voir la réalité autrement qu'elle n'est.

Ex. Voir tordu un bâton droit plongé dans l'eau

 

2) L'illusion affective

 

Elle tient à ce que nous prenons nos désirs pour la réalité.

Cf. Stendhal, le phénomène de cristallisation dans la passion.

N.B. Perceptive ou affective, l'illusion est affaire de croyance. Elle consiste à prendre ce que l'on voit ou ce que l'on désire pour ce qui est ! Mais selon qu'elle est perceptive ou affective, l'illusion ne pose pas le même type de problème...

 

 

Troisième partie: problème épistémologique

 

1) Problème

L'illusion compromet notre accès à la vérité. Elle est source d'erreur !

Cf. allégorie de la caverne

=> Problème : Comment en neutraliser les effets trompeurs?

 

2) Solution, en trois étapes:

a) S'attaquer à la certitude qui fait que nous nous trompons
= se déprendre.

L'illusion majeure est en effet de croire que l'on sait.

Cf. Socrate, interrogeant ses concitoyens pour savoir s'ils ne se seraient pas plus sages que lui, et découvrant invariablement qu'ils ignorent en fait ce qu'ils croient savoir.

b) Dégager une zone où la certitude ne saurait être suspecte

Ex. Descartes, doutant de tout ce qu'il a appris et découvrant, finalement qu'il ne sait rien de façon certaine, sinon qu'il pense et donc, pour le moins, existe en tant que sujet pensant. (Méditations 1 et Méditation 2)

c) Maintenir l'illusion à distance en distinguant l'apparence de la réalité

Comment ?
"En n'admettant rien pour vrai que je ne le connusse être évidemment tel ..." (Descartes, 1ère règle de la méthode)

Condition :

la libre disposition de l'usage de sa raison et donc l'absence de folie!

 

Quatrième partie: problème pratique

 

1) Mécanisme de l'illusion

L'illusion affective se dissipe
- soit par le démenti que lui inflige le réel,

- soit par un nouveau regard sur le monde, fruit de la réflexion ou de l'expérience.

N.B. La perte d'une illusion ne va pas sans amertume : l'illusion nous faisait voir le monde tel que nous espérions qu'il soit !

Explication psychanalytique de l'illusion.

Freud explique l'illusion par le triomphe du principe de plaisir sur le principe de réalité. L'illusion remplit une fonction de défense contre la réalité, frustrante.

Cf. Théorie freudienne de la religion dans L'avenir d'une illusion

 

2) Valeur négative de l'illusion

Il peut y avoir légèreté à vouloir se défaire de ses illusions: elles nous aident à vivre.
Cf. Nietzsche "La vie a besoin d'illusions, c'est-à-dire de non-vérités tenues pour des vérités."

On ne saurait toutefois glorifier l'illusion !

En effet

- L'illusion n'est pas une solution viable : ou bien le réel la dément ou bien elle conduit au délire.

- L'illusion pose un problème moral : elle soumet le monde et les autres à nos fantasmes.

- Elle est régressive, infantilisante : devenir adulte, c'est reconnaître les exigences de la réalité.

 

Si tant est qu'il faille perdre ses illusions quelles difficultés cette tâche rencontre-t-elle ?

- Elle relève d'une décision personnelle : c'est le désir de croire qui soutient nos illusions.

- Le refuge dans l'illusion correspond à une tendance archaïque, enracinée dans la petite enfance, âge où domine le principe de plaisir.

- Enracinée dans l'inconscient, l'illusion est difficilement repérable.

 

3) Effets positifs de l'illusion

Ce qui rend facile la victoire du désir : la réalité n'est pas évidente !
Cf. Thibon : l'illusion est "tissée par les fils alternés du désir et de l'ignorance".

De plus, l'illusion voit ses effets négatifs relativisés par le fait que la réalité est transformable.

Aussi l'illusion permet-elle de critiquer la réalité-telle-qu'elle-est à partir d'une représentation de la réalité-telle-qu'il-serait-désirable-qu'elle-soit.

Elle rend ainsi l'espoir, et, avec lui, la propension à transformer l'ordre des choses.

La difficulté est de savoir jusqu'à quel point les choses peuvent changer, afin de ne pas sombrer dans le délire !

 

Conclusion

 

L'illusion témoigne du décalage entre l'homme et le monde, entre les désirs et la réalité.

 


© M. Pérignon