Introduction

Les sciences humaines procèdent de la volonté d'appliquer l'homme l'approche pratiquée pour les phénomènes de la nature, qui a fait ses preuves, dont témoigne le progrès matériel. Cette volonté s'est exercée en période post-révolutionnaire, en raison de la fin de l'idée d'un ordre social immuable et de la nécessité pratique de remettre de l'ordre dans la vie sociale.

 

Première partie: objet de la sociologie 

A. L'attitude du sociologue face au fait social.

Il doit faire preuve d'objectivité, càd d'une attitude de respect intellectuel à l'égard de l'objet de son investigation, consistant à n'en point déformer la nature dans la façon, théorique, dont il en rend compte.

 

B. Le fait social dépasse les volontés individuelles.

Le fait social est extérieur aux individus et s'impose à eux.

Cf. Durkheim :   Les faits sociaux "consistent en des manières d'agir, de penser et de sentir extérieures à l'individu, et sont doués d'un pouvoir de coercition en vertu duquel ils s'imposent à lui."

Ex "Quand je m'acquitte de ma tâche de frère, d'époux ou de citoyen quand j'exécute les engagements que j'ai contractés, je remplis des devoirs qui sont définis, en dehors de moi et de mes actes, dans le droit et les moeurs."

 

Deuxième partie: méthodes sociologiques 

 

Question : le sociologue doit-il expliquer ou doit-il comprendre les faits sociaux ?

A. L'orientation de Durkheim

L'approche de Durkheim et de ses successeursse résume en une maxime: " Traiter les faits sociaux comme des choses ".

L'intention est claire : il s'agit, à l'exemple des sciences de la nature, de rechercher les causes des phénomènes observés, sans chercher à les interpréter.

Ex. Etude du suicide

 

B. L'orientation de M. Weber : la compréhension sociologique, ou l'approche qualitative.

Max Weber part du constat que les faits sociaux, à la différence des faits naturels, sont des faits humains, doués de sens pour leurs acteurs eux-mêmes.

Aussi, à la notion d'explication pure et simple (mais trop simple, justement), Max Weber substitue-t-il celle de compréhension sociologique. Tout acte individuel a un sens, et le sociologue doit restituer cette signification. Max Weber s'éloigne ainsi de la sociologie purement descriptive, pour élaborer une sociologie "compréhensive". Cf. M. Weber, Essais sur la théorie de la science

Ex. Son analyse du capitalisme

N.B. On comprend qu'il y ait hésitation à "réduire" les phénomènes sociaux à de simples phénomènes déterminés par un ensemble de facteurs aveugles dont on pourait se contenter de formuler les interrelations.   Les phénomènes sociaux ne sauraient être expliqués sans que soit prise en compte leur nature spécifique: ils découlent en partie de l'intervention d'êtres, les hommes, dont comportement répond à des intentions, irréductibles à des forces mécaniques.

 

Troisième partie : situation actuelle et problèmes.

A. Pluralité des approches.

Elle tient à la difficulté pour la sociologie de définir son objet et d'unifier ses méthodes.Les oppositions qui distinguent les sociologues sont révélatrices du caractère hétéroclite de la discipline : il n'existe pas une sociologie constituée une fois pour toutes, mais des sociologies multiples.

Voici la description que donne R. Boudon de la sociologie, qui laisse une idée de la situation contradictoire dans laquelle se trouvent plongés les sociologues: " Multiple et bigarrée, sensible aux modes, ayant tendance à verser du côté de la sociographie dans les périodes de paix sociale et du côté de la philosophie sociale dans les périodes d'effervescence." (Article " Sociologie " in Encyclopaedia Universalis.)

 

B. Reproches adressés à la sociologie:

Les reproches adressés à la sociologie n'ont pas manqué : l'idée que la société serait soumise à un ensemble de lois indépassables, peut paraître conservatrice. Les sociologues, ne considérant pas la capacité qu'a l'homme de transformer la réalité sociale, justifieraient la société établie, sous le masque de la scientificité. Le présupposé sociologique, selon Marcuse, "rejette cette prétention de l'homme à changer et à réorganiser ses institution sociales selon sa volonté rationnelle."

Ainsi, lorsque Durkheim analyse le crime, il souligne que " classer le crime parmi les phénomènes de sociologie normale, ce n'est pas seulement dire qu'il est un phénomène inévitable quoique regrettable dû à l'incorrigible méchanceté des hommes ; c'est affirmer qu'il est un facteur de la santé publique, une partie intégrante de toute société saine. " (Règles de la méthode sociologique, p. 66.) L'analyse sociologique, ici, a pour manifeste d'entériner un fait, de l'éterniser, et par là, de le justifier. L'explication dépasse donc le projet initial d'objectivité, puisqu'il y a justification morale du phénomène.

C. Difficulté majeure du projet tant de la sociologie que des autres sciences humaines

Il paraît bien difficile de cerner scientifiquement une réalité dont on a tout lieu de penser qu'elle est en grande part irréductible à une telle approche.

Toute la tradition philosophique, à quelques rares exceptions près, voit dans l'homme un être libre, au comportement - en conséquence - imprévisible ! Un "sujet" peut-il être "objet" de science et, qui plus est, objet de science pour lui-même et par lui-même ?  

La pluralité des théories élaborées par les sciences humaines s'oppose à l'unicité des théories des sciences de la nature. A une même époque de l'Histoire des sciences, un même comportement sera expliqué de multiples façons, sans qu'il soit possible de trancher entre elles de façon décisive. Suis-je enclin à économiser ? Un behavioriste pensera que j'y ai été conditionné, un freudien que j'en sui resté au stade anal, un marxiste que je subis l'influence de l'idéologie capitaliste, un weberien que je suis marqué par mes ascendances protestantes...

 

Conclusion

Socrate invitait ses contemporains à mieux se connaître eux-mêmes. Son propos était éthique, et non psychologique ou sociologique. L'échec -  si relatif soit-il - des sciences humaines dans leur projet de soumettre l'homme à un traitement scientifique redonne à la philosophie toute la légitimité dont elle avait pu penser, à tort, que la science la déssaisissait.

 

© M. Pérignon