La politique


En tant que champ de réflexion - et non d'exercice direct ou indirect du pouvoir -  la politique est l'ensemble de ce qui concerne l'organisation de la vie des hommes en société  (c'est en tant qu'activité que la politique est l'art de gouverner). Le mot politique vient du mot grec "polis" qui désigne la cité, cadre exemplaire dans l'Antiquité de la vie en société.

On ne saurait imaginer une vie en société sans règles communes, qui ajustent le comportement des uns à celui des autres. Or la règle n’est pas une loi, au sens où l’on dira par exemple, que la chute des corps est soumise à une loi, en l'occurence celle de la gravitation universelle. La règle, si elle prend la forme de loi, est une obligation à laquelle on est tenu de se soumettre tout en ayant, de fait, la possibilité de s’y soustraire (cf. cours sur le droit). Aussi le regroupement d'un plus ou moins grand nombre d'individus ne suffit pas à constituer à lui seul une société. Parler de «société animale» est de ce point de vue pour le moins discutable, alors même que l’on ne saurait remettre en question l'existence d'animaux qui vivent en groupes. Les prétendues sociétés animales ne sont en rien assimilables à des sociétés politiques. Pour qu’il y ait à proprement parler « société » il faut qu’un regroupement d’individus ne soit pas seulement dû à l'instinct, au hasard, à l'assujettissement par la force ou à une quelconque nécessité : il faut qu’il y ait association. Une société existe, en effet, à partir du moment où un groupe, de quelque taille qu’il soit, se constitue en vue d'un intérêt commun et se soumette, dans ce but, à un certain nombre de conventions admises par ses membres (cf. cours sur la société) . C'est pourquoi les philosophes du droit ont souvent utilisé, avant et après Rousseau, auteur d'un magistral "Contrat Social", le modèle du contrat pour rendre compte de l'origine de la constitution d’une société politique (cf. cours sur l'Etat). Reste qu’un tel modèle est de nature purement théorique, dans la mesure où la passation d'un contrat devrait, en toute rigueur, être volontaire et personnelle (chacun peut librement accepter ou refuser d'y souscrire), tandis qu'aucun d'entre nous ne peut se soustraire à l’organisation sociale avec son lot de réglementations, dans laquelle il s'est d'emblée trouvé placé.

Il n'y a pas de véritable société sans réciprocité. Ainsi, pas de travail en société sans division du travail et donc sans  échanges, tant à l’étape de la production qu’à celui de la consommation (cf. cours sur les échanges). Pas d’avantage, et plus originairement sans doute, de constitution de regroupements familiaux, sans échange de partenaires, ainsi que l’a montré de façon très éclairante Claude Lévi-Strauss dans les Structures Elémentaires de la Parenté. Pas de constitution de savoir sans partage des connaissances. Etc.  Cette réciprocité est déterminée par la conception que l’on se fait de la justice (cf. cours sur la justice). Elle est régie par des normes fondamentales destinées à régir les relations entre les individus ou entre les groupes. Et c’est en fonction de ces normes qu'on décidera si ces relations sont justes ou non. L’un des enjeux de la réflexion philosophique sur la justice sera en conséquence de mettre en évidence ces normes et de s'interroger sur leurs fondements. Mais par  «justice» on entend également la stricte conformité aux lois définies par le droit. La réflexion philosophique interroge alors non seulement les mécanismes qui produisent du droit et donnent naissance à des lois, mais également la conformité d'un système juridique aux normes fondamentales de justice précédemment évoquées. Se trouvent ainsi théorisées deux formes de droit : le droit positif et le droit naturel (cf. cours sur le droit). Ces deux acceptions de la notion de justice peuvent se rencontrer en un troisième sens du mot: la justice est alors une institution, composante du pouvoir politique, celui de l'État, chargée d'assurer le respect des lois au sein d'une société.

Par où l'on voit que la vie sociale impose des institutions politiques régulatrices, constitutives depuis la fin du Moyen-Age en Occident de l'État, dont la fonction est de fixer sous forme de lois les règles générales destinées à gérer les intérêts conflictuels qui menacent la cohésion de la société civile, de mettre en oeuvre les moyens du respect de ces règles et de définir les grandes orientations générales de la vie en commun. 

© Michel PÉRIGNON