Sujet : "Peut-on douter de tout?"

 

 

Au fur et à mesure que l'on grandit et que l'on atteint un âge plus mur, on en vient à se poser des questions quant à ce que l'on a pu nous raconter les idées que l'on a reçues jusqu'alors. Alors progressivement on se met à douter.

On peut se demander alors si l'on peut douter de tout.

Nous commencerons par préciser le sens de la question, puis nous nous demanderons si l'on a la possibilité de tout remettre en question et s'il est bon de le faire.

 

 

 

La question, le fait de douter de tout, porte sur le doute radical, c'est-à-dire le rejet de toutes les vérités préétablies. Quant à la question, elle est de savoir si l'on peut le faire et si la possibilité peut se présenter de le faire, d'appliquer ce doute absolu, mais aussi s'il est légitime de le faire.

Cela laisse supposer que la notion de doute radical existe comme l'a définie Descartes, mais aussi que cela n'aille pas de soi de le faire.

Cette remise en question systématique de tout ce que l'on peut nous avoir dit et inculqué nous permettra de nous interroger sur les valeurs auxquelles on adhère, et ainsi nous libérer de nos préjugés, "de nous défaire de nos anciennes opinions, de commencer tout depuis les fondements" comme l'avance Descartes, dans la première des Méditations.

De là découle cette question : a-t-on la possibilité de tout remettre en question, de faire table rase de tout ce que nous tenons pour vrai, et si oui, est-il bon de le faire?

 

 

Le doute radical tel que l'a pratiqué Descartes correspond à "se défaire de ses anciennes opinions", en considérant que la moindre incertitude qui pourrait émaner d'une opinion suffirait à la rejeter. Par ailleurs la destruction des fondements entraînerait celle de leurs conséquences.

Le doute radical peut porter tout d'abord sur ce que nous font croire nos sens, tels l'ouie, la vue, ... Nous considérons ainsi que les perceptions sensibles nous induisent en erreur, ne nous donnant qu'une vision fausse de ce que nous tenons pour la réalité. Ainsi les apparences peuvent être trompeuses, c'est le cas par exemple lorsque l'on se trouve dans le désert et où une oasis peut apparaître. Ce que voit nos yeux n'est pas la réalité puisqu'en fait il n'y a rien. Nous sommes donc trompés par notre vue. Platon a aussi mis en évidence cela avec le mythe de la Caverne. Ces hommes qui voyaient des ombres avaient été trompés en effet, ce qu'il voyaient n'était pas le réel. Ainsi ce qu'ils tenaient pour vrai n'était qu'apparence.

Nous pouvons tout aussi bien être trompé par notre conscience, lorsque l'on rêve, nous ne savons plus discerner le vrai du faux, car nous avons un sentiment de réalité.

Ce doute absolu porte aussi sur la rationalité des choses. Nous pouvons remettre en question nos qualités de raisonnement, en particulier dans le domaine des mathématiques. En effet, au cours d'un raisonnement, nous pouvons faire une erreur de calcul qui conduira de ce fait à poursuivre un raisonnement qui sera inévitablement faux.

De plus Descartes pour mettre en doute les choses rationnelles, énonce le fait qu'un Dieu peut faire qu'il croit à ce qui n'est pas. Il se met ainsi à douter sur la réalité des essences, et pour justifier le fait qu'il continue à douter de tout, il émet l'hypothèse d'un mauvais génie qui pousserait les Hommes à croire à des choses qui n'existent pas.

Le doute devient ainsi un acte méthodique, résolu. et déterminé. C'est la nécessité d'un esprit qui veut devenir fibre.

 

Le doute absolu doit attaquer les bases de nos connaissances elles-mêmes. Il convient donc de remettre en cause ce que l'on nous apprend dès notre plus jeune âge, les idées que l'on nous inculque, les opinions de la conscience commune. En effet, Descartes considère que les opinions ne s'attachent qu'à la vraisemblance, ce que la pensée rejette. Ainsi nos connaissances ne seraient fondées que sur des idées reçues non réfléchies et il conviendrait pour rebâtir des bases solides de les éradiquer de notre esprit. Ces idées ou opinions proviennent pour la plupart de nos parents en effet, ils n'ont de cesse de nous dire que la réussite ne s'obtient pas sans travail par exemple.

 

Il y a ainsi des raisons pour lesquelles nous pouvons douter de tout, qui nous donnent la possibilité d'opérer une remise en question radicale des fondements des connaissances que nous avons reçues. Il convient alors de se demander s'il est bon de douter de tout.

 

 

Soumettre nos anciennes opinions au doute radical entraîne ainsi la destruction des fondements même de ces opinions. Cela permet la reconstruction de bases pour la pensée de trouver les connaissances vraies qui se distinguent des fausses.

Notre esprit ne sera alors plus embrumé, encombré par les innombrables préjugés ou opinions fausses, basées seulement sur les apparences. Il est ainsi libéré. Cette libération nous oblige à avant tout réfléchir, nous sommes amenés à refuser les états de faits. Cette attitude, qui constitue une des bases de la philosophie, nous fait comprendre que les connaissances ne peuvent être données mais que nous devons les chercher.

 

Par ailleurs, douter radicalement permet de mettre en évidence les faiblesses de nos connaissances: "il est salutaire de connaître la fragilité de nos connaissances" déclare le philosophe Hume. En effet, on sait que certaines de nos connaissances en sciences datent de l'Antiquité. On peut donc raisonnablement les mettre en cause.

De plus, puisque les sens nous trompent, il faut apprendre à s'en détacher. Cela conduit à comprendre que l'âme est distincte -même si elle ne peut être séparée - du corps. Descartes l'a mis en évidence avec l'expérience du morceau de cire. Si l'on approche un morceau de cire du feu et que l'on demande à une assemblée si elle demeure, tout le monde l'affirmera, bien que tout ce qui la distinguait d'autre chose ait disparu, telle l'odeur ou tel l'aspect du corps de la cire. Son existence est alors jugée par l'âme, bien que le corps ait été transformé.

Pour Platon derrière les apparences, il y a le monde des Idées. Il faut ainsi se détacher des apparences, lesquelles nous sont fournies par nos sens et de là nous pourrons accéder aux Idées, aux connaissances vraies.

 

Après l'épreuve du doute radical subsistent des certitudes, des réalités indubitables. C'est ce qu'a mis en avant Descartes dans "le cogito" . Ainsi la première certitude est celle de l'existence. En effet, dès lors que quelqu'un se met à douter de tout et qu'il a essayé C'est ainsi que Descartes a mis en évidence le 'le pense donc je suis". On découvre par ailleurs que nous sommes une "âme pensante" : " je connus delà que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui, pour être, n'a besoin d'aucun lieu, ni ne dépend d'aucune chose matérielle, en sorte que ce moi, c'est-à-dire l'âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps " a déclaré Descartes dans Discours de la méthode. Ainsi après avoir soumis tous les sujets à l'épreuve du doute, nous nous rendons compte que l'âme, étant une chose intelligible est distincte du corps qui vit par les perceptions sensibles.

 

 

 

On peut donc douter de nos perceptions qui peuvent nous tromper, on a aussi la possibilité de réfuter les opinions et préjugés, et remettre aussi en cause la rationalité des choses. Cela permet ainsi de libérer notre esprit, d'apprendre que l'âme est distincte du corps et qu'il y a des réalités indubitables, des certitudes.

Ainsi s'il est impossible de douter de tout, il est bon de remettre en question ses préjugés pour atteindre les idées claires et distinctes. Mais le "Cogito" de Descartes ne nous fait-il pas comprendre que le sujet est en fait le véritable point de départ, le fondement lui-même ?

 

Anne-Laure Guazzetti, élève en Terminale ES
au Lycée Saint Pierre Chanel de Thionville
année scolaire 1999/2000

 

© M. Pérignon