Sujet: faut-il vivre avec son temps ?

 

 

 

On sait depuis Durkheim que le ridicule constitue la première sanction sociale, qui vient frapper l'individu se singularisant trop fortement par rapport aux normes de son groupe. Une telle singularité peut se manifester dans des domaines différents, du vêtement aux formes de politesse en passant par des principes moraux que les autres jugeront archaïques ou désuets.

Faut-il donc vivre avec son temps ?

Pour le savoir, après avoir précisé le sens de la question ainsi formulée, nous nous interrogerons sur les raisons qui feraient que l'on devrait vivre avec son temps. Nous pourrons alors nous demander s'il ne serait pas souhaitable de prendre du recul à son égard.

 

La question " faut-il vivre avec son temps? " porte sur un comportement largement répandu, celui qui consiste à embrasser les manières de vivre et de penser de son époque. Elle le met en question en demandant s'il s'impose, autrement dit non seulement si on ne saurait faire autrement que de l'adopter mais aussi s'il est souhaitable de le faire sien. Elle invite donc à envisager non seulement la possibilité mais aussi le devoir de s'accorder aux idées et aux pratiques dominantes de l'époque à laquelle on appartient.

En donnant à penser ainsi le comportement qui consiste à vivre avec son temps, on en suppose l'existence tout en le mettant en question. Nos contemporains ne donnent-ils pas en effet l'impression de vouloir coûte que coûte être "dans le coup". S'ils ne l'étaient pas, la publicité se chargerait de les y inciter ! Mais ne sont-il pas, par le fait même, menacés de conformisme ?

Il s'agit donc de penser notre rapport à l'époque en ayant en vue l'engagement qu'il suppose.

Nous serons ainsi amenés à examiner s'il n'est pas, pour une grande part, inévitable de s'adapter aux façons de voir et de faire de son époque. Nous pourrons alors, dans un second temps, nous demander s'il ne convient pas de dépasser le cadre temporel étroit dans lequel on risque alors de s'enfermer.

 

 

La quasi totalité des domaines de la vie sont en constante évolution. Ceci est plus vrai que jamais de nos jours. En effet, les changements de ce dernier siècle du deuxième millénaire ont été plus nombreux et plus importants qu'au cours des siècles précédents; c'est ce que peuvent nous dire les personnes du "troisième âge", qui essayent, tant bien que mal, de s'adapter aux changements qui bouleversent leurs habitudes. Ne sont-elles pas la preuve vivante qu'il est nécessaire de faire des efforts en ce sens ?

L'Homme connaît une angoisse intimement liée à la petitesse de son existence : rien ni personne ne peut arrêter le temps, et cela marque l'impuissance de sa condition. Par conséquent, vivre avec son temps exige de se tenir à jour, préoccupation de tous les instants de qui veut ne pas être rapidement dépassé. Ainsi, à la veille de l'an 2000, tout citoyen se doit d'être au courant de la constitution de l'Union Européenne et de toutes les principales innovations qui en découlent. Qui pourrait ignorer la nouvelle Banque Centrale Européenne, l'abolition des frontières, l'harmonisation de la réglementation entre les pays concernés, sans se marginaliser ? Qu'il suffise d'évoquer l'événement le plus révélateur de l'époque, la création d'une monnaie unique: l'Euro. En admettant que l'on soit en juillet 2002 et que le franc disparaisse, quelqu'un qui ne s'est jamais intéressé au problème et qui compterait encore en anciens francs serait complètement perdu.

Cette évolution au niveau politique se ressent aussi au niveau économique : avec l'Europe et la mondialisation, les entreprises se retrouvent confrontées à la concurrence exacerbée des pays étrangers. Ce qui implique pour les acteurs économiques la nécessité d'être au courant de l'actualité. En effet, de nos jours, le principal souci des entreprises est d'atteindre la taille critique mondiale afin de rester performantes. C'est le cas notamment de Renault, amené actuellement à fusionner avec Nissan. Un chef d'entreprise qui garderait la mentalité et les méthodes d'il y a encore dix ans serait assuré d'aller rapidement à la faillite s'il ne s'alignait pas sur ses concurrents.

Dans les domaines des transports et des télécommunications, on a assisté à beaucoup d'inventions, d'innovations, et de progrès techniques. Or il est très important de profiter de ces progrès pour être plus efficace dans son travail. En reprenant l'exemple d'une entreprise, on remarquera que celle-ci doit impérativement faire usage du réseau Internet et de télécopieurs, de manière à maîtriser les problèmes en temps réel de façon à augmenter sa productivité. Et c'est aussi pour gagner du temps, très précieux aujourd'hui, qu'on essaie d'améliorer au maximum les

moyens de transport, de façon à ce qu'ils soient à la fois de plus en plus rapides et de moins en moins onéreux.

Les gens sont aussi obligés de changer, ou du moins de faire évoluer leurs mentalités comme leurs tenues. Ainsi les façons de se vêtir varient énormément et surtout rapidement. Or chacun sait à quel point la tenue vestimentaire est un facteur important dans de multiples domaines; ils donnent notamment, en général, la première impression aux personnes de notre entourage. Les vêtements donnent aussi des indications sur la classe sociale des gens, sur leurs idéologies... On peut donc deviner, par exemple, les difficultés d'intégration pour une personne à la recherche d'un emploi qui aurait une tenue vestimentaire complètement dépassée. Ceci est dû au phénomène de mode, celle-ci évoluant constamment. De même, les mentalités changent en ce qui concerne, par exemple, les relations des personnes entre elles. Ainsi on accepte beaucoup plus facilement aujourd'hui les homosexuels (ainsi que le montre le projet d'un Pacte Civil de Solidarité), ce qui choquait et choque encore les plus anciennes générations.

Par conséquent, il est primordial de suivre tous les changements fondamentaux au niveau des mentalités ou des conditions matérielles d'existence, et ceci afin de pouvoir être acteur dans la société contemporaine. Cependant n'est-il pas aussi nécessaire de prendre ses distances à l'égard de l'actualité, c'est-à-dire de retenir les leçons du passé pour préparer l'avenir dans de bonnes conditions ?

 

 

Il faut effectivement garder du recul en se référant constamment au passé. Prenons tout d'abord, à titre d'exemple, le cas du nucléaire : on sait aujourd'hui que le Pakistan est équipé de l'arme atomique. Or on ne peut prévoir le comportement futur de ce pays, ainsi que ses réactions à un éventuel conflit. Il faudra donc essayer au maximum de parlementer, afin d'éviter le risque d'en venir aux armes, comme ce fut le cas entre les Etats-Unis et le Japon. De même, à un niveau politique, nous devrons nous servir de l'expérience de l'Allemagne et Hitler, de l'Italie et Mussolini, de l'URSS et Staline, pour anticiper l'éventuelle venue au pouvoir, dans un pays, d'un dictateur, et cela afin de ne neutraliser le plus tôt possible.

De même, dans le domaine économique, il est très important pour les entreprises de préparer, d'ores et déjà, leur avenir proche et plus lointain. C'est pourquoi beaucoup d'entres elles entreprennent des fusions, des absorptions, ou autres associations, afin d'être les plus productives possibles. Ce phénomène est dû aux causes que nous avons déjà mises en évidence précédemment, eu égard à l'objectif qui est d'atteindre le plus rapidement possible une taille critique mondiale. En reprenant le cas de Renault, on constatera que l'entreprise automobile française a eu d'excellents résultats pour l'année 1998. Mais, au lieu de se reposer sur ses lauriers, elle a absorbé une partie de Nissan, qui était alors en perte de vitesse, de manière à faire partie des meilleurs constructeurs mondiaux avant l'entrée dans le troisième millénaire.

En outre, en poursuivant l'analyse du cas de l'Union Européenne, on constatera que bien que sa création présente des perspectives très attirantes, les principaux responsables de sa mise en place vont devoir être très attentifs aux problèmes potentiels à venir. On vient d'ailleurs tout juste de connaître un de ses plus gros déboires avec la démission de la Commission de Bruxelles. Il va donc falloir en tirer les leçons pour les années à venir. Ceci est vrai dans tous les domaines, comme par exemple celui de la protection de l'environnement. En effet, la pollution est un phénomène de plus en plus fréquent dans les pays européens (entre autres) et notamment dans leurs grandes villes. Il faut dès aujourd'hui être très attentif aux produits utilisés afin de ne pas être confronté à de graves difficultés demain, comme nous en connaissons aujourd'hui avec l'amiante.

Ainsi, s'il est aujourd'hui indispensable de vivre avec son temps, il ne faut cependant ne pas omettre de tenir le plus grand compte du passé et de préparer l'avenir, et ceci dans son intérêt personnel comme dans celui de toute l'humanité présente et avenir.

 

 

Bien que la tendance soit de vivre avec son temps, et que le mieux soit de le faire avec souplesse et intelligence, on constate néanmoins qu'il y a toujours des personnes qui sont plus ou moins en décalage par rapport à l'époque dans laquelle elles vivent. Ceci est remarquable au niveau de leur mentalité (ils conservent par exemple un idéologie vétuste), de leur tenue vestimentaire ou de leur mode de vie... Pourtant cela ne les empêche pas pour autant de vivre heureuses. Vivre avec son temps n'est donc pas une fatalité. Cela reste un choix.

Un tel choix n'implique-t-il pas une sagesse ? Le constater expliquera peut-être l'attrait de nos contemporains pour la philosophie, qui s'emploie à la cultiver.

 

 

D'après le développement d'une copie de Jean-Pascal MOUCHETTE,
élève de Terminale ES au lycée Saint Pierre Chanel de Thionville en 1998-1999

 

© Michel PÉRIGNON