Il faut, en outre, considérer que, parmi les désirs, les uns sont naturels, les autres vains, et que, parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires, les autres naturels seulement. Parmi les désirs nécessaires, les uns le sont pour le bonheur, les autres pour l'absence de souffrances du corps, les autres pour la vie même. En effet, une étude de ces désirs qui ne fasse pas fausse route, sait rapporter tout choix et tout refus à la santé du corps et à l'absence de troubles de l'âme, puisque c'est là la fin de la vie bienheureuse. Car c'est pour cela que nous faisons tout: afin de ne pas souffrir et de n'être pas troublés. Une fois cet état réalisé en nous, route la tempête de l'âme s'apaise, le vivant n'ayant plus à aller comme vers quelque chose qui lui manque, ni à chercher autre chose par quoi rendre complet le bien de l'âme et du corps. Alors, en effet, nous avons du plaisir quand, par suite de sa non-présence, nous souffrons, <mais quand nous ne souffrons pas>, nous n'avons plus besoin du plaisir.

Et c'est pourquoi nous disons que le plaisir est le principe et la fin de la vie bienheureuse.

 

ÉPICURE, Lettre a Ménécée, in Lettres et Maximes, 127-129, trad. de M Conche, Paris, Ed. PUF, 1987, p. 221.

 PhiloNet