L'espace n'est rien autre chose que la forme de tous les phénomènes des sens extérieurs, c'est-à-dire la condition subjective de la sensibilité sous laquelle seule nous est possible une intuition extérieure. Or, comme la réceptivité en vertu de laquelle le sujet peut être affecté par des objet! précède, d'une manière nécessaire, toutes les intuitions de ces objets (Objecte), on comprend facilement comment la forme de tous les phénomènes peut être donnée dans l'esprit (Gemüthe), antérieurement à toute perception réelle - par conséquent a priori -, et comment, avant toute expérience, elle peut, comme une intuition pure, dans laquelle tous les objets doivent être déterminés, contenir les principes de leurs relations.

Nous ne pouvons donc parler de l'espace, de l'être étendu, etc., qu'au point de vue de l'homme. Si nous sortons de la condition subjective sans laquelle nous ne saurions recevoir d'intuitions extérieures, c'est-à-dire être affectés par les objets, la représentation de l'espace ne signifie plus rien. Ce prédicat n'est joint aux choses qu'en tant qu'elles nous apparaissent, c'est-à-dire qu'elles sont des objets de la sensibilité. La forme constante de la réceptivité que nous appelons sensibilité, est une condition nécessaire de tous les rapports dans lesquels nous intuitionnons les objets comme extérieurs à nous, et, si l'on fait abstraction de ces objets elle est une intuition pure qui porte le nom d'espace.

 

E. KANT, Critique de la raison pure (AK. III, 55), trad. de Trémesaygues et Pacaud Paris, Éd. PUF, 1944, pp. 58-59

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