Le Proslogion doit sa célébrité à la preuve métaphysique de l'existence de Dieu qu'on appelle depuis Kant " argument ontologique ". Cette preuve de l'existence de Dieu n'a besoin de rien d'autre, semble-t-il, que de l'idée de Dieu. Si nous avons, par notre foi, cette idée en nous et si nous entendons, par cet être, un être plus grand que tous les êtres, alors cet être qui est dans notre intellect doit être aussi dans la réalité Être dans l'intellect et dans la réalité est en effet plus grand qu'être seulement dans l'intellect.

 

Donc, Seigneur, toi qui donnes intellect à la foi, donne-moi, autant que tu sais faire, de comprendre que tu es, comme nous croyons, et que tu es ce que nous croyons. Et certes, nous croyons que tu es quelque chose de tel que rien ne se peut penser de plus grand. N'y a-t-il pas une nature telle parce que l'insensé a dit dans son cœur: " Dieu n'est pas' " ? Mais il est bien certain que ce même insensé, quand il entend cela même que je dis: " quelque chose de tel que rien ne se peut penser de plus grand ", comprend ce qu'il entend, et que ce qu'il comprend est dans son intellect, même s'il ne comprend pas que ce quelque chose est. Car c'est une chose que d'avoir quelque chose dans l'intellect, et autre chose que de comprendre que ce quelque chose est. En effet, quand le peintre prémédite ce qu'il va faire, il a certes dans l'intellect ce qu'il n'a pas encore fait, mais il comprend que cette chose n'est pas encore. Et une fois qu'il l'a peinte, d'une part il a dans l'intellect ce qu'il a fait, et d'autre part il comprend que ça est. Donc l'insensé aussi, il lui faut convenir qu'il y a bien dans l'intellect quelque chose de tel que rien ne se peut penser de plus grand, puisqu'il comprend ce qu'il entend, et que tout ce qui est compris est dans l'intellect. Et il est bien certain que ce qui est tel que rien ne se peut penser de plus grand ne peut être seule-ment dans l'intellect. Car si c'est seulement dans l'intellect, on peut pen-ser que ce soit aussi dans la réalité, ce qui est plus grand. Si donc ce qui est tel que rien ne se peut penser de plus grand est seulement dans l'in-tellect, cela même qui est tel que rien ne se peut penser de plus grand est tel qu'on peut penser quelque chose de plus grand; mais cela est à coup sûr impossible. Il est donc hors de doute qu'existe quelque chose de tel que rien ne se peut penser de plus grand, et cela tant dans l'intellect que dans la réalité.

Anselme De Cantorbéry,
Proslogion, Allocution sur l'existence de Dieu, chap. II, trad. de B. Pauttat, Patis

 

 

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