Mais nous avons donné une suffisante ébauche de la préhistoire empirique des condensateurs électriques, puisque nous avons obtenu les variables techniques qui vont maintenant permettre une instrumentation plus libre. Au lieu de ce condensateur particulier qu'était la bouteille de Leyde, nous pouvons maintenant envisager les condensateurs de formes les plus variées. Un condensateur sera constitué par deux feuilles métalliques séparées par un isolant (cet isolant pouvant être l'air). Le mot condensateur est d'ailleurs lui aussi un mot qui doit être intégré dans une signification scientifique, il faut le détacher de son sens usuel. A proprement parler, un condensateur électrique ne condense pas l'électricité: il reçoit la quantité d'électricité qui lui sera impartie par les lois que nous allons schématiser.

Nous avons mis en garde contre l'acception usuelle du mot capacité. Bientôt la notion sera éclairée par la théorie. Mais si nous devions expliquer un peu le mot avant la chose, nous suggérerions de l'employer dans le sens d'un brevet de capacité. Par sa capacité, un condensateur&emdash;ou d'une manière plus générale un conducteur isolé&emdash;est capable de réagir d'une manière déterminée dans des conditions que nous aurons à préciser.

Quel coup de lumière quand apparaît enfin la formule qui donne la capacité d'un condensateur ! Comme tout ce que nous avons relaté sur les difficultés psychologiques des premiers accès à la science devient, tout d'un coup, psychologiquement périmé ! C'est en vertu de ce rationalisme qui se constitue dans une formule qu'on peut fort justement critiquer nos soucis de psychanalyste de la connaissance scientifique. Mais nous n'écrivons pas seulement pour les rationalistes convaincus, pour les rationalistes qui ont éprouvé les cohérences de la pensée scientifique. Il nous faut donc assurer nos arrières, être bien sûr que nous ne laissons pas par-derrière nous des traces d'irrationalisme. C'est pourquoi sur le cas précis que nous étudions, nous avons voulu donner toute la psychologie d'effacement indispensable pour fonder rationnellement la science physique.

Voici donc la formule qui peut maintenant être le point de départ d'une rationalisation de la condensation électrique:

C= KS/4¼e

S = surface d'une armature (étant bien entendu que l'autre armature doit avoir, aux infiniment petits près, la même surface); e = épaisseur de l'isolant (supposée bien uniforme); K = pouvoir diélectrique de l'isolant (supposé bien homogène).

Bachelard, Le rationalisme appliqué, 1948 p.150-151

 
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