La seule idée qu'apporte la philosophie est cette simple idée de la Raison, l'idée que la raison gouverne le monde et que, par conséquent, l'histoire universelle s'est elle aussi déroulée rationnellement. Cette conviction, cette idée constituent un postulat à l'égard de l'histoire comme telle. Ce n'en est pas un pour la philosophie. Il y est démontré par la connaissance spéculative que la raison - nous pouvons ici nous en tenir à ce terme sans insister davantage sur la relation et le rapport à Dieu - est la substance, la puissance infinie, la matière infinie de toute vie naturelle et spirituelle, - et aussi la forme infinie, la réalisation de ce contenu. Elle est la substance, c'est-à-dire ce par quoi et en quoi toute réalité a son être et sa consistance. Elle est l'infinie puissance, car la raison n'est pas impuissante au point de se borner à l'idéal, au devoir-être, à une existence en dehors de la réalité, on ne sait où, par exemple dans la tête de quelques hommes. Elle est le contenu infini, toute essence et vérité, et contient sa propre matière qu'elle donne à élaborer à son activité. Car elle n'a pas besoin, comme l'acte fini, d'un matériel externe et de moyens donnés pour fournir à son activité aliments et objectifs. Elle se nourrit d'elle-même; elle est pour elle-même la matière qu'elle élabore; de même qu'elle est sa propre présupposition, et la fin absolue, elle en réalise elle-même sa finalité et la fait passer de l'intérieur à l'extérieur non seulement dans l'univers naturel, mais encore dans l'univers spirituel - dans l'histoire universelle. L'idée est le vrai, l'éternel, la puissance absolue, elle se révèle dans le monde et rien ne s'y révèle qui ne soit elle, sa majesté et sa magnificence: voilà ce que la philosophie démontre et qui ici est supposé démontré. 

Hegel, La Raison dans l'histoire, p. 47

 

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