Le point de vue de l'histoire philosophique n'est pas tiré abstraitement de la multitude des autres points de vue généraux et ne peut être compris si l'on fait abstraction des autres. Son principe spirituel est la totalité de tous les points de vue. Elle considère le principe spirituel concret des peuples et son histoire; elle ne s'occupe pas des situations particulières, mais de la pensée universelle qui opère à travers le tout et le constitue. Cet Universel n'appartient pas au monde des apparences contingentes; la masse des particularités doit être ici saisie comme une unité. L'objet de l'histoire (philosophique) est l'objet le plus concret, celui qui contient en soi la totalité des divers aspects de l'existence: l'individu dont elle parle est l'Esprit du Monde. C'est cet objet concret, dans sa figure concrète, que la philosophie se donne comme objet lorsqu'elle traite de l'histoire.

Pour la philosophie le fait premier n'est pas le destin, l'énergie, les passions des peuples et, conjointement, la bousculade informe des événements. Le fait premier pour la philosophie est l'Esprit même des événements, l'Esprit qui les a produits, car c'est lui qui est l'Hermès, le conducteur des peuples. L'Universel que vise l'histoire philosophique ne doit pas être compris comme un aspect très important (de la vie historique) à côté duquel on pourrait trouver d'autres déterminations. Cet Universel est l'infiniment concret qui contient toutes les déterminations. Cet Universel est l'infiniment concret qui contient tout et qui est partout présent parce que l'Esprit est éternellement auprès de soi- infiniment concret pour lequel le passé n'existe pas, mais qui demeure toujours le même dans sa force et sa puissance.

C'est avec l'intellect en général qu'on doit d'abord considérer l'histoire: causes et effet doivent être compris. Pour comprendre l'essentiel, dans l'histoire universelle, on doit d'abord éliminer l'inessentiel, et c'est l'entendement qui met en évidence ce qui important et significatif. Selon les buts qu'il poursuit dans sa considération de l'histoire, l'entendement distingue l'essentiel et l'inessentiel. Or ces buts peuvent être les plus variés. Dans l'énoncé d'un but, plusieurs considérations entrent en ligne de compte: à côté du but principal il existe des buts secondaires. Mais si nous voulons mettre en parallèle les faits historiques et les buts de l'Esprit, nous devons renoncer à tout - même à ce qui est en soi intéressant - et nous en tenir à l'essentiel. Le contenu qui s'offre alors à la raison ne se laisse pas ramener au même dénominateur que ce qui a été obtenu jusqu'ici. Il s'agit de buts qui intéressent essentiellement l'esprit et le sentiment et leur récit nous a déjà plongé dans la tristesse, l'admiration ou la joie.

 

Hegel, La Raison dans l'histoire, p. 51-53

 

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