Nous appelons compréhension le processus par lequel nous connaissons un “ intérieur ” à l'aide de signes perçus de l'extérieur par nos sens. C'est l'usage de la langue, et la terminologie psychologique fixe dont nous avons tant besoin ne peut être mise sur pied que si tous les auteurs conservent régulièrement toutes les expressions déjà solidement établies, bien délimitées et propres à rendre des services. La compréhension de la nature - interpretatio natuæ- - est une expression figurée. Mais nous appelons aussi, assez improprement, compréhension l'appréhension de nos états particuliers. Je dis par exemple : “ je ne comprends pas comment j'ai pu agir de la sorte ” et même : “ je ne me comprends plus ”. J'entends par là qu'une manifestation de moi-même qui s'est intégrée dans le monde sensible me semble venir d'un étranger et que je ne suis pas capable de l'interpréter en tant que telle, ou, dans le second cas, que je suis entré dans un état que je regarde comme étranger. Ainsi donc, nous appelons compréhension le processus par lequel nous connaissons quelque chose de psychique à l'aide de signes sensibles qui en sont la manifestation.

Dilthey, Le Monde de l'Esprit, 1, Aubier-Montaigne, 1947, p. 320-322

 

PhiloNet