II faut nécessairement, en effet ou bien que tous les citoyens possèdent tous les biens en commun; ou bien qu'ils n'aient rien en commun, ou enfin qu'ils aient en commun certains biens à l'exclusion de certains autres. [...]

Cependant il est évident que, le processus d'unification se poursuivant avec trop de rigueur, il n'y aura plus d'État : car la cité est par nature une pluralité, et son unification étant par trop poussée, de cité elle deviendra famille, et de famille individu: en effet, nous pouvons affirmer que la famille est plus une que la cité, et l'individu plus un que la famille. Par conséquent, en supposant même qu'on soit en mesure d'opérer cette unification, on doit se garder de le faire, car ce serait conduire la cité à sa ruine. La cité est composée non seulement d'une pluralité d'individus, mais encore d'éléments spécifiquement distincts: une cité n'est pas formée de parties semblables, car autre est une symmachie l et autre une cité. [...]

Il faut assurément qu'en un certain sens la famille forme une unité, et la cité également, mais cette unité ne doit pas être absolue. Car il y a, dans la marche vers l'unité, un point passé lequel il n'y aura plus de cité, ou passé lequel la cité, tout en continuant d'exister, mais se trouvant à deux doigts de sa disparition, deviendra un État de condition inférieure: c'est exactement comme si d'une symphonie on voulait faire un unisson, ou réduire un rythme à un seul pied.

Aristote, La politique, II, 1, 2 et 5 

 

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