PROPOSITION XLIX

Il n'y a dans l'Ame aucune volition, c'est-à-dire aucune affirmation et aucune négation, en dehors de celle qu'enveloppe l'idée en tant qu'elle est idée.

Démonstration

Il n'y a dans l'Ame (Prop. préc.) aucune faculté absolue de vouloir et de non-vouloir, mais seulement des volitions singulières, c'est-à-dire telle et telle affirmation et telle et telle négation. Concevons donc quelque volition singulière, soit un mode de penser par lequel l'Ame affirme que les trois angles d'un triangle égalent deux droits. Cette affirmation enveloppe le concept ou l'idée du triangle, c'est-à-dire ne peut être conçue sans l'idée du triangle. Car c'est tout un de dire que A doit envelopper le concept de B ou que A ne peut se concevoir sans B, et une telle affirmation aussi ne peut être sans l'idée du triangle. De plus, cette idée du triangle doit envelopper cette même affirmation, à savoir que ses trois angles égalent deux droits. Donc, inversement, cette idée du triangle ne peut ni être ni être conçue sans cette affirmation, et ainsi cette affirmation appartient à l'essence de l'idée du triangle et n'est rien en dehors d'elle. Et ce que nous avons dit de cette volition (puisque nous l'avons prise ad libitum), on devra le dire aussi d'une volition quelconque, à savoir qu'elle n'est rien en dehors de l'idée.

C. Q. F. D.

 

Spinoza, Éthique, 2ème partie 

 

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