Habitue toi à penser que la mort n'est rien par rapport à nous; car tout bien - et tour mal - est dans la sensation: or la mort est privation de sensation. Par suite la droite connaissance que la mort n'est rien par rapport à nous, rend joyeuse la condition mortelle de la vie, non en ajoutant un temps infini, mais en ôtant le désir de l'immortalité. Car il n'y a rien de redoutable dans la vie pour qui a vraiment compris qu'il n'y a rien de redoutable dans la non-vie. Sot est donc celui qui dit craindre la mort, non parce qu'il souffrira lorsqu'elle sera là, mais parce qu'il souffre de ce qu'elle doit arriver. Car ce dont la présence ne nous cause aucun trouble, à l'attendre fait souffrir pour rien. Ainsi le plus terrifiant des maux, la mort, n'est rien par rapport à nous, puisque, quand nous sommes, la mort n'est pas là, et, quand la mort est là, nous ne sommes plus. Elle n'est donc en rapport ni avec les vivants ni avec les morts, puisque, pour les uns, elle n'est pas, et que les autres ne sont plus. Mais la foule fuir la mort tantôt comme le plus grand des maux, tantôt comme la cessation des choses de la vie. <Le sage, au contraire,> ne craint pas de ne pas vivre: car ni vivre ne lui pèse ni il ne considère comme un mal de ne pas vivre. Et comme il ne choisit pas du tout la nourriture la plus abondante mais la plus agréable, de même ce n'est pas le temps le plus long dont il jouit mais le plus agréable.

 

EPICURE, lettre à Ménécée, in Lettres et Maximes. 124-125,
trad. de M. Conche, Paris, Éd. PUF, 1987, p 219
 

 

PhiloNet