Emmanuel KANT

(1724-1804)

 

 

 

Biographie. Oeuvres principales

 

Né en Prusse, à Königsberg, en avril 1724, dans une famille piétiste (voir ci-dessous) fort modeste (son père était artisan sellier), Emmanuel Kant ne quittera guère cette ville, et seulement à l'occasion de quelques préceptorats dans la région. Il est, en effet, précepteur à partir de 1746.

En 1755, il commence à enseigner à l'université de Königsberg en tant que professeur libre (privat-docent) et son cours attire rapidement de très nombreux auditeurs.

C'est en 1770 qu'il devient professeur titulaire, avec sa Dissertation sur la forme et les Principes du monde sensible et du monde intelligible. Les grands ouvrages de Kant paraîtront à partir de 1781 ; ils prennent place dans une œuvre considérable, de caractère encyclopédique, car Kant s'intéresse à tout : le beau, la science, la politique, la Révolution française, le droit, le tremblement de terre de Lisbonne et les maladies de la tête. Il enseignera, d'ailleurs, dans toutes les disciplines.

De santé extrêmement fragile, se sentant en même temps investi d'une importante mission dans le domaine de la connaissance, il dut observer, pour remplir cette tâche, un régime de vie très strict : une journée marquée par des rythmes de travail réguliers et une promenade à heure fixe, que seuls deux événements furent en mesure de perturber, la publication du Contrat social de Rousseau, en 1762, et l'annonce de la victoire française de Valmy, en 1792.

 

D'une œuvre extrêmement abondante, comptant actuellement une trentaine de volumes dans l'édition française de Berlin, il faut citer : la Critique de la raison pure (1781-1787, deux éditions), les Prolégomènes à toute métaphysique future qui voudra se présenter comme science (1783), les Fondements de la métaphysique des mœurs (1785), la Critique de la raison pratique (1788), la Critique du Jugement (1790), la Religion dans les limites de la simple raison (1793), le Traité de part perpétuelle (1795) et l'Anthropologie du point de vue pragmatique (1798).

Kant meurt en février 1804, en disant « C'est bien ».

 

Racines et apports

 

1 - les racines

 

La réflexion de Kant s'est développée, pour l'essentiel, à partir de quatre grandes influences :

* le piétisme, qui peut se définir comme une tentative de rajeunissement du luthéranisme protestant, destinée à réveiller la foi par la lecture vivante de la Bible. Cette tendance rigoriste entendait soumettre la conduite humaine à de sévères maximes ;

* la tradition rationaliste - issue de Leibniz - et systématisés par Christian Wolff - marquait fortement les universités allemandes de l'époque. Elle assignait à la philosophie l'organisation d'un ensemble rigoureux à partir de la seule raison humaine. Kant s'éloignera de ce rationalisme dogmatique, sous l'influence de Hume ;

* le scepticisme de Hume avait, en effet, ébranlé les certitudes rationalistes et le projet d'atteindre des vérités absolues. Profondément troublé par l'empirisme sceptique de Hume, Kant va s'efforcer d'élaborer une nouvelle méthode ;

* enfin, l'œuvre de Jean-Jacques Rousseau (et, tout particulièrement l'Emile) conduira Kant à réfléchir sur la conscience morale.

 

2 - Les apports conceptuels

 

Kant construit, pour I'essentiel, une philosophie de la connaissance où il souligne la relativité de cette dernière à l'esprit humain. Elle met en jeu les notions et termes fondamentaux suivants :

* la raison : elle désigne, chez Kant, tout ce qui, dans la pensée, est a priori et ne vient pas de l'expérience. Elle est théorique on spéculative lorsqu'elle concerne la connaissance. Elle est pratique lorsqu'elle est considérée comme contenant la règle de la moralité. La raison, au sens étroit du terme, désigne la faculté humaine visant la plus haute unité et s'élevant ainsi jusqu'aux idées

* I'idée d'une critique de la raison : il ne s'agit point d'une critique sceptique, mais d'un examen concernant l'usage légitime, l'étendre et les limites de la raison

* la notion de phénomène, à savoir tout objet d'expérience possible, c'est-à-dire ce que les choses sont pour nous, relativement à notre mode de connaissance. (Cette notion s'oppose à celle de noumène : la chose « en soi », telle que nous pourrions la pénétrer totalement par une intuition intellectuelle qui, en quelque sorte, l'engendrerait devant nous. Ainsi, Dieu est un noumène, une réalité possible, mais que nous ne pouvons ni atteindre ni connaître)

* le terme pur : il s'applique à toutes les représentations dans lesquelles il ne se trouve rien qui appartienne à l'expérience sensible (ex. : raison pure)

* le terme a priori, qui désigne ce qui est indépendant de l'expérience. Il faut distinguer pur et a priori. Parmi les connaissances a priori, celles-là sont appelées pures auxquelles absolument rien d'empirique n'est mêlé. Par exemple, la proposition : « tout changement a une cause », est bien a priori, mais n'est point pure, puisque le changement est un concept qui ne peut venir que de 1'expérience ;

* la notion de concept a priori : le concept a priori désigne une catégorie de l'entendement (cf. plus loin) ;

* l'entendement est, chez Kant, la faculté reliant les sensations grâce à des catégories;

* la notion de catégorie, ou concept fondamental a priori : les catégories sont des instruments de liaison (issus de l'entendement) qui permettent d'unifier le sensible (ex. : unité, pluralité, totalité, possibilité, nécessité, etc., il y a douze catégories) ;

* les principes : ce sont, chez Kant, les règles de l'usage objectif des catégories ;

* l'impératif catégorique : conçu comme une proposition ayant l'aspect d'un commandement, ordonnant sans condition et concernant uniquement la forme de l'acte

* le terme d'universel : ce qui est nécessaire et valable pour tout I'univers et, bien entendu, pour l'ensemble des hommes qui le composent.

* le concept de beau : ce qui (dans l' art ou la nature) plaît universellement sans concept.

 

Cf. J. Russ, les chemins de la pensée, Bordas pp. 239-240