La connaissance du vivant

 

 

 

plan

 

 

Introduction

Du concept de "connaissance du vivant" à la problématique adoptée

 

I. La vie et ses formes

A. Les caractéristiques du vivant

B. Les formes de vie (tableau)

II. Théories en présence

A. Le vitalisme (cf. Aristote) Â TP

B. Le mécanisme (cf. Descartes)

C. L'organicisme (cf. Kant )

Conclusion

La question de fond

 

Introduction

 

Nous avons à penser la connaissance du vivant.

Quand on dit connaissance DU VIVANT, on parle de la connaissance d'une certaine réalité, supposée spécifique, en l'occurrence d'un type d'être, qu'il convient de commencer par circonscrire en se demandant de quoi (objet) la connaissance (du vivant) prétend être connaissance ?

Quand on dit connaissance du vivant on dit CONNAISSANCE, càd activité théorique dont l'objectif est de rendre compte des phénomènes visés sous le concept commun de vie.

La question qui se pose alors en second est celle de savoir comment il est possible de rendre compte de ce type de phénomènes. Sont à repérer et évaluer les formes épistémologiques que peut prendre l'explication de ce qui est vivant et donc de la vie.

Notre recherche se fera ainsi en deux temps,

- le premier étant consacré aux notions de vivant et de VIE,

- le second à l'épistémologie de la recherche dont fait l'objet la réalité visée par ces notions.

 

Première partie :

le concept de vivant ( la vie et ses formes )

 

 

La première question qui se pose, à qui veut définir le vivantn est de savoir quelles en sont les caractéristiques. Vient ensuite la question de savoir quelles en sont les formes.
 

A. Les caractéristiques du vivant

 

Si je veux connaître les caractéristiques du vivant, il me faut observer les êtres vivants et en repérer les traits communs.

Un être vivant est un être

- qui est fait être par d'autres êtres, qui lui sont semblables et qui en fait être d'autres, qui lui sont aussi semblables; Il est engendré et il engendre.

=> 1ère caractéristique : la reproduction. La vie est quelque chose qui se transmet.

- qui développe son être, se génère et se régénère sur la base des données (formelles, appelées aujourd'hui génétiques) qu'il trouve dans son milieu interne (patrimoine) et à l'aide des matériaux énergétiques et des composantes moléculaires qu'il puise dans son milieu externe.

Si l'on distingue dans le maintien en forme (en vie), qui est affaire d'auto-organisation (Cf. Kant, Critique du jugement ) et d'adaptation, la fonction d'assimilation (prélèvement, stockage et transformation -consommation et élimination - d'éléments prélevés sur le milieu externe) de la fonction de lutte contre les maladies et des accidents (cicatrisation, compensations fonctionnelles) il est possible de distinguer deux nouvelles caractéristiques : la nutrition et l'auto-réparation. On retrouve ces caractéristiques chez tous les être vivants, de l'unicellulaire le plus élémentaire au pluricellulaire le plus complexe, ou, pour reprendre un classification traditionnelle, du végétal à l'animal.

N.B. Comparaison avec Aristote et Descartes, et de ces philosophes entre eux.

- Aristote: Caractéristiques du vivant, selon lui
1. équilibre entre le chaud et l'humide

2. mouvement, conçu comme changement

- Descartes: caractéristiques du vivant selon lui

1. chaleur

2. mouvement (mécanique)

- Comparaison des deux :

. Descartes est dans la "ligne" d'Aristote : il reprend grosso modo les mêmes caractéristiques. Toutefois ils les "aplatit", leur retirant leur aspect dynamique : Aristote parlait d'équilibre, réalité dynamique par excellence et il parlait la kynésis, qui est action de se mouvoir, auto-production de changement.

- Comparaison avec nous :

Des deux, Aristote est incontestablement le plus "moderne" ! Descartes méconnaît le spécifique de la vie, qui s'affirme tant dans la génération, que dans la régénération.

 

 

B. Les formes de vie, autant de manières d'être vivant

 

Quand on parle de connaissance du vivant, on pense spontanément à la biologie, qui monopolise pour elle-même dans son appellation la notion de connaissance (logos) du vivant (bios). On serait dès lors enclin à penser qu'une réflexion ayant la connaissance du vivant se doive d'observer et d'interroger la pratique du biologiste.

Or rien n'est moins sûr  Il suffit d'évoquer l'adjectif "biologique" pour s'en rendre compte : on applique cet adjectif au mot vie sans qu'il y ait pour autant pléonasme ! On parle des manifestations biologiques de la vie, mais aussi de vie intellectuelle et morale, de vie sociale, de vie spirituelle. La vie biologique ne semble devoir être qu'une forme ou un niveau de vie.

Un retour à Aristote suffira à nous convaincre de la restriction, abusive, que nous imposons subrepticement au concept de vie : Aristote qui impute à l'âme la motricité et l'équilibre physiologique, reconnaît à celle-ci des facultés diverses  nutrition et reproduction certes, mais aussi sensation, mouvement et pensée.

Quelles sont les formes essentielles de vie ? On en distingue classiquement quatre, chacune requérant et englobant celles qui les précède dans l'ordre suivant :

1) vie végétative

2) vie sensitive

3) vie intellectuelle

4) vie spirituelle (morale et religieuse)

 

Vérifions que nous avons bien affaire à autant de formes de vie en nous assurant d'y trouver les caractéristiques que nous avons distinguées.

 

 

 

assimilation

 

développement

 

reproduction

 

 

vie végétative

(végétale

&

animale)

 

absorption

- de l'air

- de l'eau

- de la nourriture

- du soleil..

 

 

cicatrisation

substitution

synthèse des protéiene

 

 

 

production de gènes

dédoublement

 

vie sensitive,

affective

et

motrice

 

sensations

sentiments

mémoire

conditionnement

 

compensation

par élévation

des seuils perceptifs

- transferts

 

expression

(transmision des impressions)

(art)

 

vie

intellectuelle

et

morale

 

ompréhension

observation

réflexion

apprentissage

 

orrection

des erreurs

des maladresses

des fautes

 

éducation

imitation

enseignement

exhortation

 

 vie

spirituelle

 

éditation

intériorisation

prière

 

examen de conscience

conversion

réconciliation

 

pratique religieuse

prédication

témoignage

Il n'y a pas de doute : la notion de vie est une notion analogique, que les phénomènes dits biologiques (en fait végétatifs) sont loin d'épuiser. Une authentique connaissance du vivant se devrait de couvrir la totalité de ces manières d'être vivant.

- La biologie s'est spécialisée dans l'étude des phénomènes végétatifs;

- la psychologie (et, à un niveau collectif, la sociologie) dans l'étude des phénomènes sensoriels et intellectuels;

- restent les phénomènes spirituels, que les psychologues et sociologues ont parfois la prétention d'expliquer, non sans une réduction préalable et contestable de ceux-ci à l'affectivo-intellectuel..... Or "Seul un idéal spirituel peut nous aider à aimer, savourer, goûter la vie"(Guy Gilbert, La Croix 3/7/90, p.13)

 

 

Deuxième partie : théories en présence lorsqu'il s'agit de rendre compte des phénomènes biologiques

 

A noter, pour commencer, que l'on ne parle plus du "vivant", mais des phénomènes biologiques, càd de ce qui, de la vie végétative, se donne à observer ! Lorsqu'il s'agit d'expliquer ces phénomènes, plusieurs façons de faire peuvent être envisagées, plus ou moins exclusives les unes des autres.

 

L'analyse des textes proposés permettrait d'en distinguer sommairement trois :

     

A. Celle dont Aristote est représentatif

 

Cf. Aristote, Des parties des animaux

Elle consiste à invoquer un "principe vital", appelé "âme", principe immatériel d'animation de la matière, qui "fait être (le vivant) ce qu'il est " et sans lequel " aucune des parties ne demeure la même ". Cf . "Il faut, dans l'étude de la nature, insister davantage sur l'âme que sur la matière." (Aristote, Des parties des animaux).

On donne à cette théorie le nom de "vitalisme"* . Ce mode d'explication recourt à la notion, capitale, de "finalité" immanente. Cf . distinction aristotélicienne entre quatre types de causes, et donc d'explication.

 

B. Celle dont Descartes est représentatif

 

Cf. Descartes, Traité des passions

Descartes s'oppose radicalement à l'explication aristotélicienne.

Alors que, selon Aristote, on ne saurait expliquer les phénomènes vitaux sans les imputer à l'action de l'âme, selon Descartes, ces même phénomènes n'ont nul besoin que l'on invoque l'action de l'âme pour les expliquer : si l'âme peut agir sur le corps et le corps sur l'âme, en fait l'un et l'autre sont des réalités distinctes, pouvant exister l'une sans l'autre.

Rejetant tout finalisme, Descartes explique le vivant comme s'il s'agissait d'une simple machine, donc de façon purement "mécaniste" : "Toute la chaleur et tous les mouvements qui sont en nous, en tant qu'ils ne dépendent point de la pensée, n'appartiennent qu'au corps" (Traité des passions). On parle de la "théorie des animaux machines", du Mécanisme de Descartes. Plus près de nous, représentant scientifique de cette tendance : le biologiste déterministe J. Monod, le hasard et la nécessité,

 

C. Enfin, troisième "manière", celle dont Kant est représentatif

 

Cf. Kant, Critique du jugement

Kant développe un point de vue que l'on pourrait considérer soit comme intermédiaire aux deux précédents soit, et mieux, comme supérieur:

Il montre l'insuffisance du point de vue mécaniste.  L'étude, SPECIQUE de l'être vivant doit non seulement le tenir comme un être organisé mais aussi, de manière inséparable, comme "un être s'organisant lui-même." Cf. Kant, Critique du jugement

 

 

Conclusion

 

Le problème que pose l'explication de ces phénomènes se pose ultimement en ces termes : peut-on expliquer un être vivant comme on expliquerait une réalité matérielle ? Autrement dit, l'être vivant est-il constitue-t-il une réalité spécifique, d'un autre ordre que les phénomènes mécaniques, irréductibles à ceux-ci ? La question est ontologique ! Elle relève de la métaphysique et nous renvoie à la première partie du cours.

 

© M. Pérignon