Le bonheur

 

 

Plan

 

Introduction

- "Tous les hommes recherchent d'être heureux..." (Pascal)

- Problématique

I. Nature du bonheur

A. Plaisir-joie-bonheur

B. Le bonheur est accord

II. Les recherches du bonheur

A. L'eudémonisme antique
a) Aristote et le bonheur de la vie contemplative.

b) Épicure et la sérénité de l'âme

c) Les Stoïciens et la liberté

B. La révolution chrétienne

C. La doctrine kantienne

Conclusion

Le pessimisme moderne

 

 

 

 

 

Introduction

 

Du bonheur, une chose au moins est certaine : tous les hommes sont à sa recherche.
Cf. Pascal : "Tous les hommes recherchent d'être heureux. Cela est sans exception, quelques différents moyens qu'il emploient ".

Problématique adoptée :

I. Qu'est-ce que le bonheur?

II. Comment l'atteindre?

 

 

I. Nature du bonheur

 

A. Plaisir - Joie - Bonheur

Le bonheur (étymologiquement : bonne chance) est un état de satisfaction complète et de plénitude, est distinct du plaisir, bien-être agréable, essentiellement d'ordre sensible. Si le premier correspond à un complet repos et se donne comme l'éternité même, le second appartient à l'ordre du temps : c'est un mouvement et un dynamisme que l'imagination et la mémoire amplifient et prolongent.

Mais le bonheur se distingue aussi de la joie. Alors que le plaisir est fragmentaire, la joie est un état affectif global et total. Elle représente bien, comme l'a vu Spinoza, un passage d'une perfection moindre à une perfection supérieure, un état où la puissance d'agir de mon corps est augmentée, où domine en moi un sentiment de puissance et de force. Or le bonheur n'est précisément pas un passage: la joie est dynamique alors que le bonheur est statique, tout comme la béatitude, cette félicité et ce bonheur parfait.

 

B. Le bonheur est un accord

Or, ce plein repos qu'est le bonheur suppose un accord et une harmonie : une unité entre les valeurs de l'homme et l'ordre du monde et des choses. Pour qu'il y ait bonheur, ne faut-il pas, en effet, que s'opère une rencontre entre les choix et les valeurs de l'être humain, d'une part, et l'ordre universel, d'autre part ? Le bonheur est cette harmonie et cet accord entre les deux ordres, unité que nous allons trouver dans les philosophies classiques du bonheur : "Pour un homme donné, le bonheur, entendu dans son sens le plus classique, est la jouissance de l'accord qui s'établit entre l'ordre de ses valeurs et l'universel qui le transcende et l'englobe, que l'on peut appeler symboliquement l'ordre du monde. " (R. Polin, Le bonheur considéré comme l'un des beaux arts, PUF, 1965)

 

 

II. Les recherches du bonheur

 

A. L'eudémonisme antique

a) Aristote et le bonheur de la vie contemplative

Le bonheur est-il le bien suprême ? L'eudémonisme (du grec eudaimon: heureux) antique va répondre affirmativement à cette question. L'eudémonisme est la doctrine morale affirmant que le but de l'action humaine est le bonheur. Chez tous les philosophes anciens, le bonheur, fin de l'action, apparaît comme un accord entre l'homme et les choses. Les eudémonistes divergent seulement sur les moyens de parvenir au bonheur et à la complète satisfaction.

Aristote voit nettement dans le bonheur la fin de la vie. Dans l'Éthique à Nicomaque, il pose la question: quel est le souverain bien de notre activité? C'est le bonheur. Or, ce dernier consiste dans l'activité la plus parfaite de l'homme, c'est-à-dire dans la vie contemplative. Le sage qui contemple l'Éternel dans une vie de loisir incarne véritablement l'homme heureux : il représente l'idéal de la réflexion grecque, idéal dont notre civilisation est bien éloignée.

 

b) Épicure et la sérénité de l'âme

Epicure est également eudémoniste, mais diffère profondément d'Aristote sur la façon d'atteindre le bonheur.

En apparence, Épicure est surtout hédoniste, car sa doctrine éthique fait du plaisir le Souverain Bien. Le plaisir est le bien primitif et naturel, il représente la fin de la vie. Néanmoins tous les plaisirs ne sont pas souhaitables et le vrai bonheur consiste dans la paix de l'âme que rien ne vient troubler (ce qu'Épicure appelle l'ataraxie : l'absence de trouble et l'indifférence de l'esprit). L'âme du Sage, parfaitement sereine et libre en toutes circonstances, est à même de répudier certains plaisirs. Ainsi distingue-t-elle trois sortes de désirs : ceux qui ne sont ni naturels ni nécessaires (comme la recherche des honneurs), ceux qui sont naturels sans être nécessaires (une nourriture fine par exemple), enfin les désirs naturels et nécessaires (comme manger à sa faim), seuls dignes d'être retenus par l'éthique. Cf. Epicure, Lettre à Ménécée

Ainsi, le sage épicurien vise-t-il le bonheur comme équilibre de l'âme et calme de l'esprit : "Lors donc que nous disons que le plaisir est la fin, nous ne parlons point des plaisirs des prodigues et des plaisirs de sensualité, comme le croient ceux qui nous ignorent, ou s'opposent à nous, ou nous entendent mal, mais nous parlons de l'absence de douleur physique et de l'ataraxie de l'âme. " (Épicure, Lettre à Ménécée)

 

c) les Stoïciens et la liberté

Le stoïcisme est également un eudémonisme, une morale qui vise le bonheur. En quoi consiste le bonheur, chez Sénèque, Epictète et Marc-Aurèle, les plus connus des Stoïciens?  Avant tout à rester libre et maître de ses opinions, de ses pensées, quelles que soient les circonstances. L'essentiel n'est-il pas de conserver sa liberté, sur le trône comme dans les chaînes ? Le sage stoïcien trouve en toutes situations l'ataraxie, la paix de l'âme,l'indifférence de l'esprit. Comme on le voit, épicurisme et stoïcisme ont d'importants points communs, en particulier cette conception du bonheur envisagé comme liberté spirituelle. Cf. Epictète : " Tu espères que tu seras heureux dès que tu auras obtenu ce que tu désires. Tu te trompes. Tu ne seras pas plus tôt en possession, que tu auras mêmes inquiétudes, mêmes chagrins, mêmes dégoûts, mêmes craintes, mêmes désirs. Le bonheur ne consiste point à acquérir et à jouir, mais à ne pas désirer. Car il consiste à être libre. "

Néanmoins, le bonheur stoïcien diffère du bonheur épicurien : le sage épicurien réalise un accord et une harmonie avec un monde matériel et formé d'atomes, alors que le sage stoïcien, maître de soi, accepte l'ordre divin, l'étincelle divine présente dans tout ce qui existe (les stoïciens étaient panthéistes : ils identifiaient Dieu à la nature).

 

B) La révolution chrétienne

Les analyses de l'eudémonisme antique, pour admirables qu'elles soient, ne semblent pas adaptées à la vérité de notre univers. En effet, le christianisme nous a apporté sa vision pessimiste des choses. Le chrétien, s'il espère que l'au-delà et la Cité de Dieu lui apporteront un bonheur éternel, considère le monde temporel comme celui du malheur et de l'épreuve. Salut et espérance remplacent l'eudémonisme antique, l'accord profond de l'homme et du monde, de l'existant et des choses, de la liberté et de l'ordre divin. A la belle unité grecque, a succédé le monde déchiré et souffrant du christianisme. "Le chrétien est une conscience malheureuse, comme dit l'analyse fameuse de Hegel, puisqu'il est conscience déchirée de son opposition au monde. Le déchirement qui s'opère entre son moi temporel, empirique, et son moi transcendantal... fait son malheur: il est isolé dans un monde qu'il tient pour hostile. " (R. Polin, op. cit)

 

C) La doctrine kantienne

La doctrine kantienne est à cet égard particulièrement significative. La morale de Kant se déploie dans la perspective de l'impératif et de la loi, non point à travers le thème du bonheur, comme dans l'eudémonisme antique. Ce qui est premier, c'est la morale universelle comme principe de l'éthique. Aucun bonheur temporel ne sera attendu dans ce monde de la pratique de la vertu envisagée comme obéissance à l'impératif catégorique. Cf. Kant, Critique de la raison pratique

Néanmoins, des postulats de la raison pratique (immortalité de l'âme et existence de Dieu, principalement) peuvent être admis dans la sphère de la morale. Il s'agit ici d'objets de foi. Il est permis d'espérer, si Dieu existe, un bonheur parfait dans un au-delà futur. Ainsi, la morale est de l'ordre de la loi et le bonheur seulement un objet d'espérance.

 

 

Conclusion. Le pessimisme moderne

La pensée du XIXe siècle, mais aussi la réflexion moderne sont bien souvent pessimistes. Au XIXe siècle, Schopenhauer a souligné que l'ordre des choses engendre mal et souffrance. Au XXe siècle, Freud a mis en évidence la pression puissante des possibilités de souffrance (Cf. Malaise dans la civilisation). Les philosophies de notre époque sont celles du " bonheur compromis ".

 

 

© M. Pérignon