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Qu'est-ce qu'un acte volontaire ?
- C'est un acte intentionnel,càd précédé et déterminé par un projet conscient.D'ailleurs un acte est intentionnel, déterminé par la représentation de ses conséquences ou bien il n'est pas réellement un acte. Cf. Sartre : dans l'acte volontaire je réalise intentionnellement un projet conscient.
- C'est l'acte d'un sujet
Tout acte est l'acte d'un sujet, précisément en ce qu'il est pensé comme projet avant d'être accompli.
Problème que pose la détermination du vouloir :
- ProblèmeQu'est-ce qui est à la source de l'acte volontaire, qui le détermine ?Ex. Je décide d'aller au cinéma. Pourquoi ?
Thèses en présence:
1. Parce que l'idée m'en est venu.Idée -) volitionLa clef du vouloir serait à chercher dans la représentation de l'acte à accomplir.
-> Théorie intellectualiste (Spinoza))
2. Parce que j'ai envie d'y aller.
Désir (absolu) -> volition.La volonté serait déterminée par les désirs (du moins par un désir exclusif)
-> Thèse de Condillac
N.B. 1 et 2 = explications psychologiques
3. Parce que j'ai décidé d'y aller.
(volonté)-> volitionLa volonté serait le pouvoir autonome, indéterminé, de faire ou de ne pas faire qqc, elle transcenderait toute motivation.
-) Théorie du fiat : Maine de Biran et DESCARTES.
N.B. 3 = explication métaphysique: volonté = "libre arbitre"
4. Parce que, étant ce que je suis, je me trouve être disposé à le faire.
personnalité -> volition cf. Hegel-) Thèse de Bergson
5. Parce que je juge que le désir que j'ai d'y aller mérite satisfaction.
moi psychologique avec ses besoins !
réflexion
(reconnaissance d'un motif)
---->
but (valeur)
!
moi idéal
Schéma classique (intellectualiste) de l'acte volontaire
Il distingue quatre moments :1) la conception du projet à réaliser
2) la délibération au cours de laquelle sont appréciés les motifs et les mobiles
3) la décision qui met fin à la délibération et arrête un choix
4) l'exécution , qui est le passage à l'acte
A. Exposé de la thèse de Spinoza, Ethique
Enoncé
Il en va de même de n'importe quelle volition : c'est l'idée qui s'affirme et s'impose d'elle-même.Spinoza ajoute, en scolie, une remarque dans laquelle il répond aux objections que l'on pourrait lui faire (et dont une seule est retenue dans notre texte).
Objection
Il nous arrive de douter et de rester indécis : nous pouvons alors suspendre notre jugement. Ce qui semble prouver que "la volonté est libre et différente de la faculté de connaître".Réponse
Nous n'avons pas "le libre pouvoir de suspendre notre jugement".Si nous doutons, c'est parce que nous sommes le jouet de plusieurs idées confuses dont aucune ne s'impose; " c'est par ce que nous voyons que nous ne percevons pas la chose de façon adéquate". Ex. enfant et cheval ailé
Donc le doute est selon Spinoza aussi nécessaire que l'assentiment.
Somme toute la décision résulte de la seule puissance de l'idée, de l'automatisme intellectuel.
B. Critique
a) On peut admettre qu'une décision mathématique relative à la vérité d'un théorème soit impliquée dans l'évidence intrinsèque de cette proposition. Je ne peux pas ne pas affirmer que la somme des angles d'un triangle est égale à deux droits (si je suis euclidien ...) dès l'instant où j'examine attentivement les propriétés générales du triangle.b) Mais un acte volontaire qui engage ma vie est difficilement comparable à l'affirmation d'une vérité mathématique. Car affirmer n'est pas agir: je peux donner raison à un parti et ne pas pour autant militer ; je peux même décider de m'inscrire à un parti et n'en rien faire.
c) Comme le montre l'exemple précédent, ce n'est pas au niveau de la conception que réside la volonté, mais au niveau de l'exécution. L'acte seul authentifie le projet, (l'intention), en est l'épreuve.
d) Il ne suffit pas de penser pour agir, la puissance de l'idée ne suffit pas à entraîner l'acte. Les intellectualistes semblent avoir tort. Cf. Jankélévitch: "La raison réfute sans convaincre ou convainc sans persuader ni convertir, semblable à ces prédicateurs qui font changer d'opinion, non de conduite: les raisons de la raison sont des raisons non d'agir mais de s'abstenir et d'attendre".
Cf. cas des abouliques, malades de la volonté, qui délibèrent indéfiniment si ils doivent faire ou ne pas faire ceci ou cela sans jamais se décider et passer à l'acte. Chez eux la délibération est l'alibi de l'inaction, justification de l'impuissance à agir.
Somme toute La volonté suppose autre chose que l'idée, que la raison, qui ne donne pas de buts; elle suppose des besoins, des désirs. Sans eux pas d'action, possible. "La raison ne sait pas mettre le prix aux choses" (Pascal).
A. Réduction de la volonté au désir
Pour Condillac ,
vouloir = "désir absolu" :multiplicité des désirs -) hésitation
désir exclusif -) décision,
Précision : le désir n'est pas la volonté. Le désir est un simple souhait, même irréalisable. Cf. Alain "L'homme du désir ne sait qu'attendre la manne." L'homme de volonté s'efforce de réaliser une oeuvre. Une mère dont le fils est à la guerre peut désirer son retour, elle ne peut le vouloir; son retour ne dépend pas d'elle. En revanche elle peut envoyer des colis, cela dépend d'elle. Le désir n'est pas action, mais rêve et prière. Cf. Maine de Biran : "Le désir est prière aux causes amies ou ennemies de notre existence".
Vouloir =) pouvoir qui l'incarne
Du désir au vouloir, la différence est marquée par le travail. On peut désirer n'importe quoi, on ne peut vouloir qu'une oeuvre. Qui dit vouloir dit exécution. Cf. Alain: "Le passager désire une autre mer et un autre ciel; le pilote déplace un peu la barre."
Pas de volition sans technique, sans savoir faire, sans volonté constructive. D'ailleurs Condillac considère la volonté concerne "un désir absolu et tel que nous pensons qu'une chose désirée est en notre pouvoir."
B. Critique de cette réduction
Un désir exclusif (même réalisable) n'est pas une volition :- l'homme en proie à un désir tout puissant est un obsédé en proie à un vertige mental et non un homme volontaire;
- l'homme volontaire est celui qui résiste à ses désirs. Renouvier disait que "vouloir vraiment, c'est vouloir ce qu'on ne veut pas". William James parlait du pouvoir de dire non à ses caprices.
La volonté semble être pouvoir d'arrêt, d'inhibition, puissance de refus, autant que pouvoir d'action. Différente du désir, est-elle assimilable à l'effort ?
A. Thèse de Maine de Biran
Cf. Influence de l'habitude sur la faculté de penséeComment Maine de Biran définit-il la volonté ? La "force actuellement appliquée à mouvoir les corps est une force agissante que nous appelons volonté".
Quelle expérience me révèle à moi-même ma volonté ? L'expérience de l'effort (musculaire): "L'existence de la force n'est un fait pour moi qu'autant qu'elle s'exerce, et elle ne s'exerce qu'autant qu'elle peut s'appliquer à un terme résistant ou inerte.." (Essai sur les fondements de la psychologie)
Ce qui conduit Maine de Biran à identifier effort et volonté. Pour lui, la volonté est une "force hyperorganique en rapport avec une résistance vivante " .
B. Critique et conception de William James
James a critiqué Maine de Biran .Pour lui, l'effort volontaire est avant tout l'effort mental. Cf. The principles of psychologie L'effort musculaire n'est qu'un phénomène accessoire. Il écrit que "la volition est un acte exclusivement psychologique et moral". Ex. Je veux écrire une lettre et non mouvoir mes doigts de telle ou telle manière. L'effort pour se lever est un effort plus moral que musculaire.Réserves
James est injuste à l'égard de Maine de Biran qui dit seulement que dans l'effort musculaire ma conscience s'éprouve contre les sensations pénibles qui me viennent du "corps propre".Pour James l'effort volontaire se reconnaît au pouvoir de maintenir dans la conscience une représentation désagréable.
En fait la résistance à la douleur physique est un meilleur test de la puissance du vouloir ! Ainsi qui s'est suicidé avec un revolver ne l'aurait peut-être pas fait avec la technique du hara-kiri...
C. Quelle que soit la différence qui les oppose
James et Maine de Biran ont une théorie de l'effort qui aboutit au même problème.Problème : quelle est la puissance qui dit " je veux ", qui résiste aux désirs ?
Réponse de James : l'effort est une force additionnelle, indéterminée "ante rem", avant l'accomplssement de l'acte voulu.
La volonté est un "fiat", pur pouvoir de dire oui ou non au désir qui traverse l'esprit. L'essentiel de la volition est de consentir à la décision et de s'y maintenir par l'attention.
James rejoint ainsi la théorie cartésienne de la volonté.
D. CONCEPTION CARTÉSIENNE DE LA VOLONTÉ
a) Méditation 4Pour Descartes la puissance de la volonté est égale, en elle-même, à celle de Dieu, donc infinie et consiste dans le pouvoir de faire une chose ou de ne la point faire (càd d'affirmer ou nier, de suivre ou fuir) .Ce qui ne veut pas dire pour autant que la liberté de la volonté réside pour Descartes dans l'absence de toute contrainte. Elle ne va pas de pair, pour lui, avec l'indifférence.
La volonté peut-elle refuser l'évidence ?C'est "malaisé" pense Descartes, mais possible. Comment ? En détournant mon attention, en concevant des raisons de douter - ce qu'il fit lui-même en donnant à son doute initial dans les Méditations un caractère hyperbolique. L'hypothèse du main Génie avait pour fonction de permettre à volonté de se dégager du piège des possibles fausses évidences.
E. CRITIQUE
Chez Maine de Biran, James et, plus tôt, chez Descartes, la volonté se donne comme tout à fait désincarnée.Elle est posée comme étrangère au désir, comme étant une faculté transcendante, un pouvoir de dire oui ou non, de faire ou de ne pas faire, comme étant pure décision libre.
La volonté est-elle ce pouvoir autonome, appelé libre arbitre, échappant à toute explication psychologique, qu'imagine Descartes ? Doit-on renoncer à toute explication psychologique ?
A. Critique de la théorie du fiat
Dire que je veux parce que je veux, c'est se payer de mots, ne rien expliquer.
La volonté est posée comme étant une entité étrangère à ma personnalité concrète. Aussi comprend-on que la psychologie rejette le mythe d'une volonté abstraite, transcendante, étrangère au désir. Certes l'attention transforme un désir en mobile en lui donnant du relief. Mais elle n'est pas un premier commencement; elle est orientée par mes tendances et mes préoccupations.
Dire que la force que nous opposons à nos désirs est la force même de la volonté, c'est là encore se payer de mots, c'est réaliser une abstraction. La "vertu volitive du vouloir" n'est pas plus éclairante que la "vertu dormitive de l'opium". Cf. Spinoza : cette notion de volonté est une abstraction pure, formée à partir de nos décisions concrètes.
Une volonté pure, coupée de ma personnalité concrète, serait une étrangère pour moi.
B. Le paradoxe de l'explication du vouloir.
L'explication psychologique de la volonté conduit à une conception mécaniste du psychisme.Ce que l'on appelle volonté est en fait un désir plus puissant qui l'emporte sur les autres, du fait même de son surcroît de force. Dans cette perspective tout acte serait la résultante de l'ensemble de mes désirs (imaginée sur le modèle, mécaniste, de la composition des forces dans l'espace-temps). Mais alors toute distinction s'efface entre les conduites volontaires et celles qui ne le sort pas. La notion de volonté disparaît.
Par contre, si je définis la volonté en dehors de mes tendances, voir contre elles, je n'ai plus qu'un fantôme de volonté, une entité étrangère à ma personnalité concrète.
C. Conception bergsonienne de la volonté
La motivation d'un acte humain n'est pas de même ordre que la causalité mécanique qui régit les phénomènes naturels.Cf. HegelLa confusion tient, explique Bergson, à une illusion (celle du mécanisme), celle produite par un examen après coup de l'acte volontaire, devenu chose et analysé comme tel.Cf. Les Données immédiates de la conscience
Si je cherche à décrire l'acte en train de se faire, le langage mécaniste ne suffit plus. Il apparaît comme une création vivante, le mûrissement d'un projet, expression de ma personnalité totale, beaucoup plus que comme le choix entre des possibles "Nous sommes libres, écrit Begrson dans Les Données Immédiates de la Conscience p.129, quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu'on trouve entre l'oeuvre et l'artiste".
Réserves :
Bergson a raison de distinguer les décisions humaines des résultantes mécaniques, mais ne confond-il pas à son tour l'acte volontaire avec la spontanéité de type biologique, ainsi qu'en témoigne l'image du fruit mur, qu'il affectionne)
Le volontaire bergsonien n'agit pas, il est agi par "l'élan vital". L'acte volontaire est l'acte non seulement d'un vivant, mais encore d'une personne, et ceci implique la réflexion et le choix des possibles pensés !
Récapitulation des apories
ce que la volonté n'est pas.-1- La volonté n'est pas unre faculté mystérieuse, premier commencement qui transcenderait toute motivation (cf. Maine de Biran, James, Descartes)
-2- La volonté n'est pas la somme de mes tendances (cf. Condillac)
-3- La volonté n'est pas l'intelligence pure qui, en elle-même, n'est pas source d'action) (cf. Spinoza)
Pourtant pas de volonté sans un système de tendances sans intelligence et réflexion.
Ce qu'est la volonté.
Un acte volontaire est(1) un acte qui opère la synthèse réfléchie ...
Tout acte implique des mobiles et trouve sa raison être dans les besoins de l'être vivant.Reste que l'homme, capable de réflexion, ne cède pas toujours aux premières sollicitations qui se présentent.
La volition s'oppose à l'impulsion, exige un arrêt. Entre une situation donnée et la réaction qu'elle suscite, il y a place pour la conscience et la réflexion.
(2) ...de mes tendances...
Ici se situe le choix, la considération des possibles.L'acte volontaire est celui qui s'est précédé lui-même à titre de possible pensé.
Le possible est projet, dans l'avenir comme fin à poursuivre avant d'être exécuté comme acte.
Ainsi la détermination psychologique subit une métamorphose :
ce qui eût été cause déterminante devient but à atteindre; le mobile devient un motif; la cause, une fin : au lieu de subir une pulsion, je me propose un objectif à atteindre une tâche à accomplir.Si détermination il y a, celle-ci est de type finaliste : projetant devant moi les possibles, j'ai loisir de les confronter.
Agir volontairement, c'est d'abord "savoir ce que l'on veut", comme on dit, c'est donc prendre conscience des exigences fondamentales de ma personne, renoncer à satisfaire tel caprice, tel désir vifs mais superficiels qui me pousseraient à accomplir des actes que je regretterais et qui ne me ressembleraient pas.
N.B. Correspondance, au niveau des structures neurologiques, du caractère synthétique de l'acte volontaire.
(3) ... en vue d'une action dans le monde.
La volonté n'est complète que lorsqu'elle s'achève en une exécution intelligente, car le propre de la volonté est d'incarner ses désirs dans l'univers au moyen de techniques efficaces : qui veut la fin veut les moyens.Toute synthèse suppose une hiérarchie des valeurs. Le volontaire s'appuie sur un ligne de conduite, régulatrice de la volonté. Un homme-volontaire est quelqu'un qui sait où il veut en venir et qui sait garder le cap.
=) Problème :
Qu'en est-il du monde des valeurs et de leur hiérarchie ? Le problème est axiologique, et ainsi métaphysique et moral, dépassant la compétence du psychologue.